Résumé: Recueillies par des soeurs missionnaires, Ida et Fortunée embarquent pour le Congo français, sans manquer de participer à la cérémonie du passage de l'équateur. Sur place commence une vie faite de règles et de travaux particulièrement pénibles. La question du retour en Europe devient cruciale. Ce n'est qu'une fois à Paris que la Suissesse trouvera les réponses sur les origines de son périple africain.
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assablement marquée par son séjour à la cour du roi Béhanzin et sans le sou pour poursuivre son périple africain, Ida est contrainte d'intégrer une cohorte de novices partie évangéliser quelques contrées congolaises. Le passage de l’Équateur ayant eu un effet plus que salvateur sur l’équilibre psychologique de notre héroïne, celle-ci n’aura, dès lors, de cesse de trouver un moyen lui permettant de quitter ses consœurs de mauvaise fortune. Réussissant enfin à regagner l’Europe et Paris, Ida trouvera enfin la réponse qu’elle était partie chercher au royaume du Dahomey.
Ces derniers temps, les exploratrices féminines et les dérives de la colonisation font l’actualité du 9ème art. Après Africa Dreams de Maryse et Jean-François Charles ou encore le Mary Kinsley de Julien Telo, Chloé Cruchaudet clôt, avec Stupeur et Révélations, les aventures africaines d’Ida von Erkentrud. Avec une naïve - et redoutable - efficacité, l’ancienne élève des Gobelins sait rendre attachante une jeune femme qui, voulant seulement concrétiser un rêve d’enfant s’embarque pour Tanger puis Saint-Louis. À travers Ida, la dessinatrice lyonnaise rend compte, avec une délicieuse ingénuité et une réelle jubilation, des travers des colons européens vivant en vase clos, imbus de leurs certitudes et de leur souveraine supériorité. Aussi, au fil des pages et des albums, l’intérêt, d’abord bienveillant, porté à l’héroïne helvétique prend épaisseur et consistance au fur et à mesure que celle-ci, à défaut de vraiment percevoir et comprendre l’Afrique, l’accepte et admet les changements que son épique odyssée induisent sur sa petite personne. Sous une apparente désinvolture, cet album permet d’aborder, sans emphase, les errances du colonialisme économique et spirituel - même le mieux attentionné - que l’Europe exerça sur le continent noir.
Grâce à un dessin et un scénario pleins de justesse et d’à-propos, et avec un humour parfois acide mais jamais trivial, la jeune auteur(e) signe là un album - et un triptyque - qui sonne terriblement juste. Une jolie tranche de vie et un adorable moment de lecture.