Q
uand vient le temps du rut, et les brames qui vont avec, les cerfs mâles se livrent à des joutes sans merci pour soumettre leurs pairs afin d’avoir la main haute sur une harde (groupe de biches). C’est ce choc des bois que représente l’intrigant entrelacement ornant la couverture de cet album. Ce motif rouille sur fond noir n’est pas sans rappeler les teintes caractéristiques des histoires peintes sur les céramiques de la Grèce antique - époque où se déroule l’action -, dont les jarres à eau, aussi appelées « hydries ». Cette mise en scène, le dessinateur se l'approprie le temps d'un kamasutra grec niché au sein de l'ouvrage.
Un combat de jeunes cerfs, donc, l’un ignorant de sa superbe la rancœur qu’accumule en son cœur son compagnon. Au centre du drame, la sœur du premier, et autour, les familles respectives. La tension ira crescendo, jusqu’à ce que l’irréparable soit commis.
De prime abord, le contenu peut sembler très référencé, et donc réservé aux initiés, impression que peuvent corroborer l’absence de texte et le trait spécifique de Nicolas Presl. C’est une approche possible de cette tragédie. Une autre est cependant envisageable, elle nécessite de casser ses réticences pour aborder L’hydrie sous un angle plus léger, davantage tourné vers la comédie humaine. Pour s’en convaincre, il suffit de s’attarder sur la première scène en acceptant son côté risible : quelques éphèbes se préparent à courir une course dans le plus simple appareil devant une assemblée composée de vénérables anciens. Il convient de prendre le temps afin de saisir toute la subtilité qui existe dans l’art de la pantomime que l’auteur excelle à mettre en forme. Les visages sont d’une expressivité rare (jalousie larvée, mine réjouie, doute, …), et les corps sont dessinés avec un sens de la gestuelle particulièrement affiné, toujours empreint d’un soupçon d’excès. Cette maîtrise de l’exagération est typiquement celle qui permettait à Chaplin de jongler avec la poésie et le burlesque, en équilibriste confirmé, sur le fil ténu qui lie le tragique au grotesque. Ponctuellement, la narration n’est pas évidente à suivre - l’exercice est difficile -, mais ces instants où il est possible de se perdre incitent à s’interroger sur ce qui est montré, et à apporter le cas échéant sa propre interprétation.
Nicolas Presl propose donc, avec cette tragi-comédie grecque, un récit qui offre plusieurs niveaux de lecture susceptibles d’attirer un lectorat aux attentes variées. À ceux à qui cette bande dessinée aura plu, il est possible de conseiller Le fils de l’ours père du même auteur, proposé lors de la dernière sélection du festival d’Angoulême.
Les avis
willybouze
Le 19/11/2012 à 22:20:58
A première vue, ce bouquin n'est pas attirant. Les personnages difformes, encombrants dans leurs cases, sont une originalité graphique qu'il est parfois difficile de surmonter. D'autant plus que l'image est notre seul moyen de comprendre l'histoire puisque la BD est muette.
Ensuite, l'histoire. Euh... comment dire... C'est indescriptible. Ca se passe en Grèce, à une sale époque. Notre héros part à la guerre, il est amoureux, il revient de la guerre et il se marie.
Voilà.
Et on plonge dans l'horreur.
Si certaines BDs traitent de thèmes violents sans violence, d'autres sont violentes dès le début et sont abominables à la fin. Eh ben "l'hydrie" est de celles là. Il faut avoir les tripes bien accrochées pour apprécier cet album.
Ce n'est pas complètement à fuir mais c'est à lire quand on est de bonne humeur passke c'est pas ça qui va vous donner la banane !