C
omme dans ses albums précédents ( Sous la bannière de la liberté, Intrigues au Pays du Matin Calme), Natsuki Sumeragi adapte en BD des contes populaires. Histoires d’Asie et d’ailleurs se compose de cinq récits d’origine asiatique (principalement chinoise) qu’elle transpose aussi bien géographiquement que dans le temps. Animaux symboliques, dieux divers, princes plus ou moins charmants et frêles demoiselles sont au rendez-vous.
Sumeragi s’intéresse particulièrement à la condition des femmes. Ses héroïnes sont fortes et n’hésitent pas à bousculer les règles de la société. Il ne s’agit pas d’une œuvre militante pour autant. Ses personnages se trompent et, souvent, se brûlent à vouloir changer leur quotidien. Ainsi, Ai-Ru, dans Le chant de la fille de Yu, manque de passer à côté du bonheur en choisissant devenir concubine d’un prince volage et la jeune fille du Dieu de la montagne préfère affronter la mort que de subir la volonté de son père. La notion très asiatique de la prépondérance du groupe sur l’individu est un élément à garder en tête avant d'en arriver à des conclusions hâtives. Oui, souvent la femme (c’est également le cas pour les hommes) se doit de suivre des règles, parfois vexatoires, pour le bien de la société et celà avant le sien. Dans le même temps, c’est la grande force du discours de Sumeragi, l’individu est toujours très actif et reste l'acteur principal de la réalisation de son destin. Ses héroïnes sont toutes intelligentes et n’hésitent pas, comme Sœur Malgren dans L’enlèvement de la mariée,à jouer du poing et à dénoncer des malfaisants, qui comble du sacrilège, occupent des situations sociales élevées. L’éventail fleuri, peut-être l’histoire la plus intéressante de ce recueil, se passe dans un passé plus proche, au moment où les échanges commerciaux et culturels entre Européens et Chinois commençaient à s'intensifier. Cette intrigue policière montre, à sa manière, comment le choc entre deux cultures provoque autant d'avantages que d'inconvénients.
La réalisation graphique est également remarquable. En Europe comme Asie, les tenues et la stature reflètent le rang des individus. La dessinatrice s’est particulièrement attachée à la description de l’apparence de ses héroïnes. Les habits (plutôt costumes comme on dirait au cinéma) sont restitués avec beaucoup de détails, passant de la simplicité d’une blouse paysanne à l’extravagance richesse des robes de la cour. Sumeragi est également très attentive à l’attitude de ses protagonistes. Les plus infimes réactions (un regard, une esquisse de mouvement) sont soulignées avec beaucoup subtilité. Plutôt que d’insister inutilement, elle laisse le soin au lecteur d’être attentif pour découvrir les petits riens qui révéleront la vraie nature de ses personnages.
Recueil aux thèmes variés intelligemment racontés, Histoires d’Asie et d’ailleurs est très recommandable !
A lire également les chroniques des autres titres de Natsuki Sumeragi :
- Un destin clément
- Intrigues au Pays du Matin Calme
- La voix des fleurs
- Pékin, années folles