Résumé: Dans les années 40, des milliers de Japonais vivent en Chine, des hommes et des femmes qui ont quitté leur terre natale pour chercher une vie meilleure. La Deuxième Guerre mondiale va bouleverser leur vie. Les hommes dans la force de l'âge partent pour la guerre ; les vieillards, les femmes et les enfants qui ne peuvent pas regagner le Japon, doivent, eux, affronter la faim et les humiliations. Après la défaite nippone, ils subiront l'oppression des envahisseurs russes et la haine des Chinois qu'ils avaient colonisés. Beaucoup n'y survivront pas. Les rescapés qui ont pu retourner au Japon sont les seuls témoins d'une page tragique et peu connue de l'histoire du XXe siècle.
En racontant l'histoire de Sayo, les auteurs reconstituent, dans ce roman graphique, des événements bouleversants et à la fois, très intimes et effroyablement ordinaires... Les souffrances d'une seule famille y deviennent le symbole de la souffrance de milliers de réfugiés innocents.
L
’attente d’un enfant est une transformation pour le corps d’une femme. Tout l’organisme tend vers une seule chose, la création de ce nouvel être. Difficile alors d’être rationnée sur la nourriture, privée de son confort et de ceux qu’on aime, vivre dans la peur et l’incertitude, être japonaise en Mandchourie en 1945. Le Japon est sur le point de perdre la Guerre et ses annexions en Chine ne sont pas sa principale préoccupation. Ses ressortissants sont alors victimes de lynchages, d’humiliations et de disettes de la part des Chinois et de la menace des Russes qui veulent prendre possession de ces anciennes terres nippones. Sayo, enceinte, sa fille, sa sœur ainsi que ses neveux et nièces tentent de survivre avant l’exode qui doit les reconduire au pays. Sayo ne se ménage pas, malgré son état et espère sans cesse revoir son mari parti au front. En attendant, l’espoir pour les grands et le jeu pour les enfants sont leur seule richesse.
Nombreux sont les mangas illustrant la Seconde Guerre Mondiale et notamment les derniers jours de combat. Mais cet album a la particularité d’être italo-japonais, créé en Europe et parlant de l’exode des Japonais de Chine, épisode peu traité jusque là. L’intérêt est donc élevé avant même d’ouvrir le livre. La première impression est celle d’une organisation très « manga » de la page et des cases, malgré un sens de lecture occidental. Le dessin, bien que rappelant la ligne claire, reste aussi, dans l’ensemble, assez japonisant, goût marqué pour la caricature des expressions. Trop sans doute à l’avancé de la lecture, tant la compréhension est parfois compromise. Néanmoins, lorsqu’on sait que Yoshiko Watanabe a travaillé pour les studios d’Osamu Tezuka – pour Astro ou le Roi Léo – l’influence est évidente et pardonnée.
Giovanni Masi connaît bien, lui aussi, le monde de l’animation pour avoir participé à plusieurs films en Italie. Quelques constructions de son scénario semblent d’ailleurs sorties directement de la télévision avec les fondus noirs entre les scènes. Sauf qu’en bande dessinée, de tels procédés sont un peu difficiles à mettre en place et les événements s’enchaînent parfois étrangement. Le tout tient parfois en un équilibre instable. Malgré la situation périlleuse de Sayo et sa famille, l’inquiétude ambiante et la peur du lendemain, la tension n’est jamais très élevée et l’histoire coule doucement.
L’intérêt historique reste pourtant une motivation importante pour la lecture de cet album autant que le trait particulier de Yoshiko Watanabe. Pour le reste, le dépouillement des décors et le chevauchement de saynètes déçoivent.