Résumé: Avec Camera Silens, le groupe punk qu'il a créé, Gilles Bertin oscille entre concerts turbulents, tremplins rock et petites combines. Jusqu'au jour où il braque près de 12 millions de francs à la Brink's. Ses complices sont rapidement rattrapés... mais Gilles parvient à s'échapper en passant les Pyrénées. Une cavale de plusieurs décennies commence alors.
Figure sans concession des années 1980, Gilles Bertin a publié une autobiographie à succès, ''Trente ans de cavale''. Adaptation rock de celle-ci, ''Les Héros du peuple sont immortels'' relate son parcours en forme de rédemption depuis les années punk et sida, jusqu'aux années 2010.
G
illes Bertin (1961- 2019), ce nom n’évoquera certainement pas grand-chose pour la majorité des gens en dehors du cercle des amateurs de punk-rock français. Leader de Camera Silens, groupe actif au début des années 80, Bertin fait partie de ces baby-boomers un peu perdus arrivés à l’âge adulte alors que les promesses de Mai 68 s’étaient évaporées pendant les années de plomb. Un peu musicien, beaucoup zonard, il succombe rapidement aux paradis artificiels en vogue à cette époque. La gloire se faisant attendre et les concerts ne rapportant pas grand-chose, il survit à la marge en truandant quand c’est nécessaire. À force, il s’enhardit et réussit finalement un gros coup en pillant un dépôt de la Brink’s. Le magot en poche, il se réfugie à l’étranger, en Espagne, puis au Portugal. Cette mise au vert «off grid» va durer durant près de trois décennies. Miné par la maladie et fatigué, il finit par se rendre aux autorités en 2016.
Portrait d’un individu, d’un moment et d’une génération, Les héros du peuple sont immortels permet à Stéphane Oiry de raconter des chansons et des évènements qui ont assurément marqué son adolescence. Malgré cet attachement personnel, l’auteur évite néanmoins la nostalgie et propose un récit âpre et plutôt qu'une certaine forme de mélancolie. Au centre des débats, un protagoniste principal passablement paumé, mais à la volonté de fer, en dépit de ses addictions. Face à de nombreux défis, il se démène, fonde une famille et, au prix de constants efforts sur lui-même, arrive globalement à garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, le mot résilience vient immédiatement à l’esprit. Le scénariste préfère judicieusement en rester aux faits et décrit, avec la bonne distance, ce cheminement atypique et profondément humain.
Construction habilement tournée autour d’un long retour en arrière, narration omnisciente décalée juste ce qu’il faut pour donner du relief et du contexte aux évènements et une mise en image efficace, l’album s’avère dense et très accessible à la fois. La gestion du temps est à remarquer. Urgence d’exister et longues périodes de doutes et de cavale se succèdent naturellement. Oiry garde fermement les mains sur le guidon et ne perd jamais le fil de son scénario. Visuellement, l’utilisation de trames est également à relever. En plus d’apporter une petite touche «vintage», celles-ci renforce les couleurs et les atmosphères.
Pseudo-biographie (voir l’avertissement en début d’ouvrage) et véritable roman d’une époque, Les héros du peuple sont immortels oscille entre admiration, regrets et leçon de vie. Un très bel album qui sait aller au-delà de son sujet de départ.
Les avis
Erik67
Le 01/10/2025 à 07:12:25
C'est vrai que les véritables héros, acclamés par le peuple, demeurent dans leur cœur à jamais. On peut citer quelques exemples historiques comme Jeanne d'Arc par exemple.
D'autres individus ont eu un passé un peu moins glorieux entre rockeur et braqueur pour terminer comme un héros. Gilles Bertin était musicien et changeur dans un groupe punk bordelais dans les années 80. Il a mal tourné puisqu’il devient toxicomane et séropositif. Il tombe alors dans la délinquance et les petits braquages.
En 1988, il participe au braquage de la Brink's avec une dizaine d'autres membres. Le mode opératoire ne correspond en rien au banditisme traditionnel. Le butin : 11 millions de francs soit 3 millions d'euros. La majeure partie du butin n’a jamais été retrouvée.
La cavale va commencer pour notre héros qui va fuir en Espagne puis au Portugal où il ouvrira avec sa compagne un magasin de disque alternatif. Il est même déclaré mort par un tribunal en 1992. Il va tomber malade du SIDA en 1995 mais va survivre grâce à la trithérapie. Il revient à Barcelone pour reprendre le bar de ses beaux-parents.
Bref, pendant 28 ans, il va échapper à la Justice en ayant plusieurs identités. Cependant, en 2016, il décide de se rendre aux Autorités en passant la frontière. Oui, il croit en la rédemption et au repentir.
Il sera condamné finalement qu'à 5 ans de prison avec sursis mais sortira assez rapidement pour bonne conduite. Il en profitera pour publier un livre qui raconte son histoire avant son décès survenu en 2019. Cette BD en est le prolongement sur un autre format grâce à l'auteur Stéphane Oiry.
J'ai bien aimé son petit mot dans la préface où il dédouane totalement les membres du groupe afin qu'ils ne soient pas accusés de complicité. En effet, il affirme qu'ils n'avaient pas du tout connaissance des activités criminelles de Gilles Bertin. Il y a eu un avant et un après lui. Bref, circulez, il n'y a rien à voir !
J'ai bien aimé le dessin qui a su rendre cette lecture plutôt agréable grâce à un trait maîtrisé et une colorisation adéquate.
Je ne sais pas ce que vous en pensez. Il y aurait de quoi débattre. On va se limiter à dire que c'est une histoire peu conventionnelle qui mérite certainement notre attention.