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aboushka, la matriarche, a tout prévu. Lorsqu’elle mourra, Héliotrope devra appliquer une procédure bien précise pour que l’ancêtre continue de veiller sur sa maison, faute de quoi ses ennemis risquent de voler les objets magiques qui y sont conservés. Les conséquences seraient alors terribles. La grand-mère n’avait cependant pas pensé qu’elle pourrait être malade et hospitalisée. La gamine se trouvant à son chevet, personne ne garde le logis, lequel disparaît. Pour le retrouver, l’adolescente sollicite l’aide de Josaphine, une vampire nymphomane.
Dans Le Palais des voleurs, Johan Sfar poursuit son exploration de l’univers fantastique de la jeune Parisienne. En plus des buveurs de sang, le projet convoque loups-garous, magiciens et zombies, puis évoque Baba Yaga, un conte traditionnel russe. Bien que le résultat apparaisse échevelé, voire confus, le ton et l’humour irrévérencieux se révèlent plutôt plaisants.
Le récit d’une jouvencelle écrit au « je » n’est pas sans suggérer Les Cahiers d’Esther de Riad Sattouf. Entre deux pugilats avec des créatures maléfiques, la protagoniste observe son monde, égratignant au passage les rêves de gloire de ses camarades de classe, la qualité de l’enseignement en France ou encore les bobos des Batignolles et leurs assiettes de fromages à trente-cinq euros.
Il demeure également amusant de voir l’auteur se moquer du quatrième mur : « Vous imaginez les lettres de parents ? Une collégienne lesbienne ivrogne dans Spirou ! ». À la fin de l’album, les bédéistes se mettent du reste carrément en scène, constatant qu’ils ont atteint le nombre de pages attendues par l’éditeur et qu’il faudra un nouveau tome pour raconter la suite des aventures de la rouquine.
Le coup de pinceau de Benjamin Chaud s’apparente à celui de son scénariste, tout en s’affranchissant de son trait excessivement nerveux. Le dessin est dynamique et les décors généreux ; les personnages se montrent, pour leur part, très expressifs. Rappelant le travail de Brigitte Findkaly dans Le chat du rabbin, les couleurs d’Isabelle Ribarot apportent beaucoup de chaleur aux images et au propos.
Il est difficile de déterminer à qui est destinée cette histoire où le scénario fait autant allusion à Harry Potter qu’aux rencontres un peu glauques, gracieuseté de Tinder. Jadis, René Goscinny arrivait à faire cohabiter différents niveaux de lecture dans ses scénarios. Certains gags visaient les jeunes, d’autres les parents, mais la narration conservait sa fluidité. Ce n’est pas le cas dans Héliotrope. Pour tout dire, le livre ne convient peut-être pas à un enfant âgé de moins d’une douzaine d’années, même si l'acheteur a l'impression qu'il s'agit d'un album jeunesse.