Résumé: Pourquoi Feuille, petite humaine capturée par des braconniers, suscite-t-elle un tel émoi dans la classe politique et scientifique du pays ? Elle parle, pardi ! Mais là n'est pas l'unique raison de la poursuite dont elle va faire l'objet, malgré l'aide que lui apportent le journaliste Fulgence et la jeune Léopoldine, étudiante en sciences et fille d'un célèbre professeur. De pièges en fuites rocambolesques, de fausses pistes en vrais dangers, Fulgence et Léopoldine vont finir par découvrir la terrible vérité. Sur fond d'intrigue politique, de romance et de démence, une aventure romanesque dont les acteurs félins, porcins et canins manifestent des préoccupations très... humaines.
1
910, la Seine ne va pas tarder à envahir Paris et c'est une petite fille, Feuille, qui émeut la Ville Lumière. Gibier de chiens braconniers, elle devient un objet de convoitise pour un tigre de l'assemblée des radjahs du Cachemire, avant d'être un sujet d'étude pour Léopoldine, jeune truie, fille du réputé professeur De Gonzague. Pensez, une humaine qui parle ! De quoi émouvoir le tout Paris animalier. Mais Feuille ne pense qu'à retrouver son frère dont elle a été séparée lors de leur capture.
Bourhis et Spiessert (Ingmar, le stéreo club) imaginent un monde où les rôles sont inversés : la proie est devenu chasseur. Difficile pour le lecteur de se sentir traité comme une bête curieuse. Une sensation de mal-être peut résulter des premières pages de cette histoire hors norme, rapidement la maîtrise du récit aidant, tout rentre dans l'ordre et un certain classicisme reprend le dessus. Il devient alors naturel de voir évoluer les cochons, tigre et autres canidés tels des êtres humains. Le choix de ceux-ci est souvent judicieux : Le tigre du Bengale en noble aristocrate indien, les chiens féroces en braconniers hargneux et les singes en membres du comité de vigilance sur la question humaine. Tout ce petit monde vit en bonne intelligence, les uns ne mangeant plus les autres… la plupart du temps. Quelques dérapages ont lieu et qui sont à l'origine de quelques bribes d'humour, les légumes ne suffisent pas toujours pour certains carnivores, mais dans l'ensemble l'animalité cohabite correctement. Les cochons tirent leur épingle du jeu en présentant un profil d'intellectuels ouverts à toute possibilité et donc celle d'espérer que les humains sont des êtres doués de paroles et de pensée. Dans quel but toutes ces recherches ? Inutile de trop en dévoiler. Au-delà de l'étude ethnologique, Hélas est une course contre la montre digne d'un bon polar, avec des apprentis héros en guise de sauveur et une société occulte aux occupations macabres, quoique… La nature, même inversée, reste humaine, ou plutôt bestiale dans le cas présent.
Le Paris de la crue de 1910 est "stylisé" par Rudy Spiessert qui limite les détails au strict minimum et épure le trait pour en tirer la substantifique moelle. Les allures du début du XXe siècle sont bien rendues, avec des planches couleur sépia pour les scènes d'intérieur à l'éclairage feutré ou tout en ton de gris pour les balades dans les rues inondées. La sobriété paye toujours et l'ambiance qui en résulte colle parfaitement à l'époque.
Un bestiaire crédible qui fait réfléchir sur la place de l'homme au milieu de la faune terrestre. Plus qu'un soupçon d'originalité pour cette fable dérangeante. Alors, ça fait quoi d'être une espèce en voie de disparition ?
La preview
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 12:54:06
Il est des œuvres qui sont réellement uniques et qui nous séduisent dès la première lecture. C'est assez rare pour le souligner dans mon cas précis. La notation sur 4 étoiles devient plutôt rare et doit se mériter.
En l'espèce, c'est pari réussi. L'originalité est de mise dans un monde totalement inversé où les animaux règnent en maîtres et oppriment les hommes réduits à l'état naturel. La réflexion est intéressante dans cette uchronie qui va jusqu'à reprendre pour toile de fond l'inondation de Paris en 1910. C'est tout simplement bluffant de réalisme.
Cette œuvre mérite votre attention à plus d'un titre même si le graphisme n'est guère séduisant. C'est un de ces contes qu'on n'est pas prêt d'oublier aussi rapidement. Bravo aux auteurs !
minot
Le 14/03/2015 à 15:14:21
Un album plaisant qui part d'une idée originale : l'Homme est une espèce en voie d'extinction dans un monde dominé par les animaux. De fait, dans le Paris de 1910, savants et braconniers se disputent une petite fille capturée dans la forêt de Fontainebleau, les uns pour l'étudier, les autres pour la revendre aux amateurs de chair humaine. Grace à un scénario bien imaginé et un dessin d'une grande clarté et simplicité, l'album se lit facilement, avec un dénouement final original particulièrement bien trouvé. Un album sympa, même si le dessin assez naïf n'est pas particulièrement à mon goût.
Hugui
Le 11/04/2010 à 20:05:47
Paris 1910, la grande crue, de l'eau partout et des braconniers animaux qui chassent des humains, race en voie de disparition très rare très recherchée par les collectionneurs et les amateurs de chair. Car toutes les races animales cohabitant les prédateurs ont du s'habituer aux légumes mais l'instinct reprend parfois le dessus même chez les plus apparemment respectables.
Et certains craignant le retour du règne de l'homme font tout pour éviter qu'on découvre leur intelligence.
Histoire bizarre et amusante, dessin naïf et simple, album intrigant mais pas passionant, ça se laisse lire sans déplaisir.