Info édition : Noté "PREMIÈRE ÉDITION". Cahier graphique collector pour le 1er tirage, de 7 pages, en fin d'album. (Indiqué Cahier graphique 8 pages sur l'autocollant)
Résumé: L'audacieuse et secrète Stéphanie St. Clair, dite Queenie, règne sur Harlem grâce à la loterie clandestine dont elle est la tête pensante. Une loterie qui offre l'espoir d'une vie meilleure à la communauté de ce quartier pauvre, mis au ban de la société. Femme et noire, Queenie fait grincer des dents la police mais aussi Dutch Schultz « le hollandais ». Ce mafieux blanc met tout en oeuvre pour s'emparer du business florissant de la reine de Harlem. Il n'hésite pas à abattre les sbires de sa rivale et sème la terreur. Mais il en faut plus pour la déstabiliser. La « Frenchy » élabore sa contre-attaque en suivant son instinct, comme elle l'a toujours fait depuis qu'elle a brisé les chaînes de son asservissement, là-bas, dans les champs de canne à sucre antillais. Sa tribune hebdomadaire dans le Amsterdam News, dans laquelle elle dénonce les exactions des autorités, commence à agacer. Ou à faire peur ? Car comme la femme d'affaires le dit elle-même : « ... voyez-vous, le plus grand atout d'une femme, est d'être qui elle est, parce que personne ne pense qu'elle en aura assez dans la culotte pour arriver à ses fins. Cela la rend imprévisible, incontrôlable... et dans le fond, vous effraie. » Il semblerait que le passé de Stéphanie St. Clair soit encore plus sombre qu'on ne l'imaginait...
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téphanie St. Clair règne sur les paris clandestins d’Harlem. Les affaires vont bien et elle est considérée comme la femme noire la plus riche des États-Unis. Généreuse, elle en fait profiter sa communauté. Sa bonne fortune agace toutefois, particulièrement McCann, le policier corrompu, et Dutch Schultz, un trafiquant de bière. Celle que l’on nomme Queenie ou Frenchie aurait pu obtenir la protection de Lucky Luciano. Elle s’entête cependant à demeurer seule maître à bord, quitte à se brouiller avec Bumpy Johnson, son fidèle garde du corps, lequel avait négocié un accord avec le parrain. Cerise sur le gâteau, elle signe des articles incendiaires sur le microcosme dans lequel elle évolue. Bref, elle a de plus en plus d’ennemis et de moins en moins d’amis.
Dans ce deuxième volet du diptyque Harlem, Mikael poursuit le récit de la chute de celle qui s’est enfuie de la République dominicaine pour s’enrichir dans la Grosse Pomme. Le lecteur comprend que pour y arriver, elle a dû s’imposer et se montrer tenace et entêtée. Paradoxalement, ces qualités causeront sa perte.
En creux se lit l’histoire d’un quartier, une sorte de zone de non-droit où les prostituées sont dociles et l’alcool coule à flots, malgré la prohibition. Ces activités illicites semblent constituer la meilleure stratégie pour les noirs aspirant à gagner leur place au soleil. Les blancs aiment s’encanailler chez eux, mais ne manquent pas de leur rappeler qu’ils sont tout au plus tolérés dans leur pays.
Le destin du journaliste Robert Bishop, nègre littéraire de Frenchie, offre un intéressant contrepoint à l’héroïne avec laquelle il présente certains points communs. Venu du Canada, il est donc lui aussi immigrant et s’est débarrassé de son accent pour se fondre dans la masse. À l’instar de la protagoniste, il est prêt à se compromettre pour connaître le succès, même à la trahir.
Un bémol : la narration est ponctuée de longs segments racontant la jeunesse de Queenie. Certes, ces retours dans le passé expliquent la psychologie du personnage ; ils finissent tout de même par prendre beaucoup de place.
Le dessin de Mikael continue d’être de belle tenue. Sa reconstitution des lieux est réussie et ses acteurs se révèlent très charismatiques. Ses illustrations expriment toute la misère des gens et la déliquescence du quartier où ils habitent. Impossible de passer sous silence la colorisation, essentiellement en marron et sépia. Apparaissant aussi sombre que le propos, elle contribue magistralement à créer l’atmosphère d’une ville en train de basculer. Les scènes dépeignant l’enfance et l’arrivée de la jeune femme à Manhattan adoptent pour leur part une teinte gris-bleu ; ils sont parsemés de taches d’un jaune vif traduisant ses espoirs alors qu’elle est en route vers son rêve américain.
Avec cet album, Mikaël conclut joliment sa trilogie new-yorkaise. Un portrait réaliste de la dèche pendant la dépression économique des années 1930.
Les avis
BudGuy
Le 08/12/2023 à 14:42:59
Je rattrape enfin mon retard sur cette série de Mikaël qui nous plonge une nouvelle fois dans le New-York de la prohibition, après 'Giant' et 'Bootblack'.
Encore une fois, la forme est à tomber par terre: dessins détaillés, couleurs sombres mais jamais lassantes, encrage de qualité, découpage millimétré et haletant (surtout pour le climax du deuxième tome). Mikaël n'a pas son pareil pour dépeindre la "Grosse Pomme" sur cette époque en terme de détails et d'ambiance immersive. On notera par ailleurs la clin d'œil à 'Giant' au détour d'une planche.
Si la forme est irréprochable, le fond est en revanche un peu plus problématique de par un scénario déséquilibré. En effet, si le premier volet introduit bien les différents personnages (Bumpy Johnson, Dutch Schultz,...) et des bribes du passé de Stéphanie St Clair, il ne s'y passe pas grand chose et l'ennui arrive assez vite.
Heureusement, le deuxième opus relance l'intérêt mais se perd dans une foultitude de thématiques à peine effleurées voire balancées gratuitement dans la figure (violence faîte aux femmes, avortement et homosexualité). Il y également un discours progressiste insufflé au compte-goutte sur les deux volumes (racisme, ségrégation et néo-féminisme revanchard) et à plusieurs moments, sans trop de subtilité.
Sympa mais pas indispensable pour ma part.
Eotran
Le 07/12/2023 à 13:10:11
Le recit commence enfin à prendre de la vitesse et à attraper le rythme qu'on attend dans ce type de récit. On garde le sentiment que cette histoire aurait pu tenir en un tome.
Les qualités que l'auteur a su développer dans le premier tome sont toujours présents dans le deuxième. Les vignettes qui telles des photos immortalisent une époque, une ambiance sont d'une beauté saisissante.
On appréciera le petit clin d'œil aux fans qui remarqueront le lien avec les autres séries. D'ailleurs plusieurs liens font le pont en entre ses trois séries du New-york d'entre deux guerres.
Touriste-amateur
Le 02/10/2023 à 18:04:14
Même si le dessin est toujours magnifique et le scénario +profond, +noir (sans jeu de mots!) que dans le tome 1, je reste sur mon ressenti du premier opus : Un bon album mais des personnages aux réactions parfois un peu "simplettes" compte tenu de la thématique.
Je n'en ferai pas un indispensable, mais j'ai passé un bon moment de lecture.
ccharlie
Le 01/10/2023 à 21:40:55
Stéphanie ST Clair est née et vivait à la Martinique pas en République Dominicaine et d'après Cyriaque Sommier
"C’est aux Terresainvilles que Stéphanie est née, à la fin du 19e siècle. Fille unique de Félicienne Sainte-Claire, originaire du Vauclin, elle grandit dans ce tout récent quartier de Fort-de-France qui accueille une grande partie des sinistrés du nord, après l'éruption de la montagne Pelée en 1902."