Résumé: À l’âge de 30 ans, Shaghayegh Moazzami a quitté l’Iran pour le Canada à la faveur d’un mariage blanc. Dans Hantée, elle raconte toutes les difficultés qu’elle a connues dans son pays d’origine - aussi bien à l’école qu’au sein de sa propre famille - et qui l’ont poussée à s’exiler. Elle raconte surtout comment, une fois arrivée au Canada en 2016, elle n’a pour autant pas réussi à trouver de répit et a continué de subir le poids de la religion et des traditions inculquées dans sa jeunesse. Un poids qui s’est un jour manifesté par l’apparition d’une vieille femme imaginaire, bigote et ultraconservatrice. Une vieille femme qui se met à persécuter Shaghayegh, lui reprochant sans cesse son mode de vie occidental et lui faisant des remontrances chaque fois qu’elle fait quelque chose d’interdit ou de mal vu dans son pays (faire du vélo ou fumer quand on est une femme, boire de l’alcool, etc)...
Hantée est un récit autobiographique sans fard, une plongée dans la psyché perturbée d’une jeune femme en colère confrontée à des démons intérieurs et à une situation personnelle qui l’insatisfait au plus haut point. À travers ce récit, Shaghayegh Moazzami montre comment le peuple iranien, et singulièrement les femmes de ce pays, continuent de subir encore de nos jours une incroyable pression qui les marquera souvent à vie.
J
uillet 2008. Arrivée à Montréal depuis plus de deux ans maintenant, elle se sent enfin chez elle dans cet appartement, avec de vrais meubles (Ikea) et de l'espace ! Mais plus de boulot par contre… Jusqu'à présent, elle travaillait encore pour son pays d'origine, l'Iran, en tant que dessinatrice free-lance pour des sites journalistiques. Il est peut-être temps de penser et de vivre comme une Canadienne ?
Shaghayegh Moazzami livre un récit autobiographique sans fard, dans lequel elle partage avec celui qui le lira le terrible poids qu'a pu avoir sur elle la religion islamique, mais surtout, son application jusqu'au-boutiste par ses partisans : famille, belle-famille, professeurs… Le traumatisme et les conséquences sur sa vie actuelle donneront naissance à des démons intérieurs qui prennent la forme d'une horrible bigote voilée, incarnation de personnes qu'elle a pu connaitre autrefois et qui prônaient aveuglément l'Islam, le vivaient dans ses moindres règles et le faisaient subir à autrui de manière implacable. Insultes, reproches incessants, humiliations, rien n'est épargné à la jeune auteure. Ces manifestations imaginaires obsessionnelles sont bien évidemment l'expression de profondes perturbations et violences psychiques qui ont laissé des traces et engendré des répercussions dans son quotidien. L'histoire alterne intelligemment passé et présent, son mariage blanc avec un pseudo fiancé, l'enfer administratif pour partir au Canada, son enfance, son adolescence, sa relation avec les amis…
Le style graphique se révèle assez particulier : brut et semi-réaliste, presque naïf. Le noir, le blanc et leurs déclinaisons dominent, avec parfois des aplats de jaune. Une trame grossière au feutre gris surcharge souvent les illustrations, n'arrangeant pas le manque d'esthétisme général. L'expression des personnages s'avère très bien retranscrite, notamment la méchanceté pure qui se dégage du visage de la harceleuse.
Hantée démontre sans atermoiement, avec sincérité et justesse, la pression des traditions religieuses que peuvent subir encore maintenant les femmes iraniennes dans ce pays ainsi que leurs stigmates, pour celles qui ont eu l'opportunité de s'exiler.