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epuis qu’une camarade lui a raconté la fable de l’homme à la hache, Kanae ne dort plus, car elle sent une obscure présence, armée d’une lame affutée, sous son lit. Sachant qu’elle ne tiendra plus très longtemps, elle se tourne vers le détective Daisuke Asô, réputé s’occuper d’affaires liées aux légendes urbaines. Lui-même hanté par la malédiction du hoquet et le spectre d’Hanako, la fille des toilettes, l’enquêteur accepte de l’aider et la sauve in extremis. Il contraint ensuite Kanae à travailler pour lui afin de payer les honoraires qu’elle lui doit. Auprès d'Aso et de l’omniprésente Hanako, la jeune femme plonge dans un univers où le folklore horrifique prend vie pour peu qu’on y croit. Mais au cours des enquêtes qu’elle mène avec Asô, Kanae s’aperçoit que son partenaire ne cesse de s’approcher de la frontière entre humains et créatures fabuleuses, au risque de s’y perdre à jamais…
Au Japon, les légendes urbaines composent un fond riche et inépuisable, fréquemment mis en scène en littérature, en bande dessinée et au cinéma. Avec Hanako, dont le titre évoque – et pour cause – le personnage éponyme d’un de ces contes glaçants, Sakae Esuno propose au lecteur de s’immerger dans un bain de frissons. Entre l’homme à la hache qui guette sous le lit de l’imprudent, la femme défigurée, les terrifiants hommes-poissons, le diable surgissant à minuit de deux miroirs placés face à face, l’horrible Téké Téké, femme-tronc poussant au suicide, le fil blanc qui emprisonne les cinq sens et Kokkuri, le démon des prévisions, l’amateur du genre est largement servi en matière de surnaturel et de paranormal propre à faire frémir, l’auteur exploitant au maximum tout le panel qui s’offre à lui, afin d’élaborer les investigations menées par Asô, Kanae et Hanako.
Ce faisant, il souligne le pouvoir que chacun confère à ces histoires destinées à épouvanter en s’y accrochant pour une raison ou une autre. En effet, les chimères ne prennent vie que par la croyance ou les obnubilations des protagonistes qui en sont victimes. C’est alors au détective et à ses assistantes de choc de démêler le vrai du faux, en questionnant, piégeant, poussant les autres à se démasquer. Dommage, cependant, que l’enchaînement des évènements se déroule de la même façon dans chaque nouvel épisode, si bien que l'effet de surprise commence à s'émousser dès le deuxième tome. Pour y pallier et piquer la curiosité, Sakae Esuno distille, heureusement, mystères et secrets dans le sillage du sémillant Asô, dont on découvre vite qu’il est lui-même sous l’influence des légendes urbaines et qu’il s’en sert pour ses propres intérêts. Enfin, graphiquement, la série ne se démarque guère des productions habituelles en matière de shônen. Petits crocs sauvages (pour Hanako), trames et effets de vitesse accompagnent un dessin assez classique, au trait un peu trop épais. Le découpage efficace et clair permet une bonne lisibilité des scènes d'action, tandis que les gueules cauchemardesques fleurissent au fil des pages.
Les deux premiers volumes d'Hanako et autres légendes urbaines constituent une lecture divertissante, mais loin d'être inoubliable. Les aficionados du genre horrifique s'y attarderont peut-être, les autres se contenteront d'y jeter un coup d'œil.