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onju, Corée du Sud. Récemment arrivé de la capitale, Seo Kyung-wu débute sa première année comme professeur de mathématique au sein d’un lycée public. Pour se loger, il loue un appartement dans un immeuble appartenant à un de ses collègues, Park. Celui-ci est marié à Hana, une vague connaissance d’études du nouveau locataire. Quelquefois, le monde est petit. Ce ménage n’est pas heureux et à la limite du divorce. Park est autoritaire et parfois violent. Coincé entre les deux, Seo va devenir un soutien émotionnel d'une Hana qui sombre dans la dépression. Une sorte d’idylle serait même en train de naître entre les deux anciens coreligionnaires, bien que Seo soit lui-même fiancé et sur le point de se marier…
Après Changement de saison et Jin & Jin, Lee Dong-eun et Jeong Yi-yong continuent leur exploration de la psyché humaine. Hana présente le cas classique du trio amoureux mettant en scène des âmes solitaires en prise avec le rigide carcan des conventions sociales sud-coréennes. La terrible problématique des relations toxiques et de l’emprise servent également de cadre à ce roman cérébral, tendu et désespéré. Au pays du matin calme, l’important est l’image projetée et la réputation. Le mariage et les choix de carrière ne sont que des moyens, pas des objectifs. Et l’amour dans tout ça ? Une simple variable, s’il est là, c’est un plus. Sinon, il faudra s’en passer et, même, le rejeter. Dans ses conditions, comment mener sa vie et être heureux ? Seo et Hana vont faire de leur mieux en tentant de rester dignes et respectueux des traditions. Du côté de Vérone, cela avait mal fini. Peut-être qu’à Séoul les choses se termineront harmonieusement, qui sait ?
Dessins à l’épure, mise en scène au cordeau, la narration embrasse pleinement la tonalité de ce récit psychologique. Chaque planche permet de découvrir une nouvelle couche des personnalités d’une distribution aussi déchirée que perdue. Autant le dire tout de suite, les espoirs sont minces et les déconvenues pléthores. De plus, pour enrichir leur propos, les auteurs ont doté leur scénario de plusieurs sous-intrigues abordant d’autres problématiques d’aujourd’hui : le métissage, l’acceptation du genre, l’intimidation scolaire, la santé mentale, etc. Il en résulte un album plein et en totale résonance avec de nombreuses préoccupations sociétales contemporaines.
Finement et intelligemment construit, Hana est une lecture intense dont la richesse des observations et la profondeur de l'écriture ne se démentent jamais tout au long de ses plus de trois cents et quelques pages. Les amateurs de romance impossible, de réalisme social et de kimchi brûlant ne devraient pas laisser passer cette histoire immersive et universelle.