Résumé: Comme elle est étrange, cette histoire d'ours racontée par Grand-père Ts'ang. Si étrange que les jeunes Taan et Nizhoni vont mentir à leurs parents pour aller voir de plus près ces animaux si mystérieux qui habitent dans la grande forêt. Devant tant d'inconscience et ce grand danger que représentent ces imprévisibles carnivores, c'est une chanson qui va peut-être sauver la vie de nos deux comparses.
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orsqu'ils écoutent Ts'ang, leur grand-père, conter ses légendes, Nizhoni et Tâan ont les yeux qui brillent. La dernière en date, sur Kindawuss et Quissan et leur rencontre avec les ours, les a marqués. Ces créatures, symboles de puissance et, à la manière des hommes, protecteurs de leur tribu, ont toujours effrayé et fasciné les habitants de Haïda Gwaii. Les deux enfants en sont persuadés, un jour, ils rencontreront ces animaux craints et respectés. Peut-être même qu'ils trouveront leur village, là-bas dans la forêt, et qu'en rentrant chez eux, ils auront, à leur tour, des histoires à raconter au vieil Sah-Gah.
Après un premier tome remarqué, L'immortelle baleine, sorti en 2014, Séverine Gauthier et Yann Dégruel retrouvent leurs deux jeunes héros et les histoires de leur grand-père. Cette fois, la scénariste de Mon arbre, L'homme montagne et d'Aliénor Mandragore, adapte très librement un texte anglo-saxon : The bear and his Indian Wife (publié en 1880 par James Deans). Spécialiste des cultures amérindiennes, elle s'inspire de cette fable pour composer une histoire sur l'amour et la séparation. L'amour de deux êtres humains, tout d'abord, que les convenances vont séparer, mais aussi l'amour entre un ours et une femme duquel naîtront deux enfants. Hélas, la peur et les hommes sépareront aussi cette famille. Avec la curiosité de ses héros comme prétexte, leur candeur et leur bienveillance comme armes, l'auteure va les amener, à la frontière des mondes et des espèces, à explorer les zones d'ombre du récit du vieux sage et apporter les réponses qu'elles soulèvent. Si la base de son intrigue n'est pas sans rappeler le récent Roi Ours (de Mobidic chez le même éditeur), elle prend une orientation totalement différente. Moins violent, son propos n'en est pas moins poétique, onirique, doux et triste à la fois. Petit ou grand, le lecteur, à la condition d'accepter la part de fantastique, ne pourra que se laisser envoûter par cette aventure teintée de mystère.
Auteur, entre autres, de l'excellente adaptation Sans famille, Yann Dégruel reprend ses pinceaux pour un nouveau régal visuel. Exit l'eau et le monde sous-marin, place à la forêt et aux ours. Toujours aussi précis, son trait fin et doux sert à merveille ce conte indien. Ses couleurs, aquarelles aux tons pastels, enchantent ou inquiètent en fonction des ambiances et apportent la dose de magie nécessaire pour que le charme opère à chaque planche.
Haïda n'est pas une série comme les autres. Elle transporte et émerveille les yeux autant que l'esprit, combinant avec plaisir le talent du dessinateur au savoir-faire d'une scénariste qui, titre après titre, s'installe un peu plus comme une créatrice de lectures jeunesse - au sens le plus noble du terme - parmi les plus douées.