Info édition : Noté "N001" au 4e plat. Avec un supplément de 3 pages.
Résumé: 1916. Encore une année qui passe. A cet âge, une année c'est presque une vie. Orphelins, laissés à leur propre destin dans un monde entré en guerre, les Lulus poursuivent leur chemin de survie. Après la mort de leur ami Hans, leur monde a basculé brutalement dans la réalité de cette guerre qu'ils évitaient si bien. S'enfonçant dans la forêt, ils découvrent une cabane qui se présente encore comme un nouveau signe d'espoir. La cabane est tenue par un Gustave, un vieux sabotier, mi bûcheron, mi ermite... Celui-ci leur permettra de faire étape avant de leur conseiller de repartir sur la route de Guise. La ville... si grande qui s'ouvre à eux pour prolonger leur destin commun.
C
e troisième volet des aventures des Lulus commence alors que leur ami allemand Hans vient d’être tué et qu’ils reprennent leur errance, pour fuir la guerre. L’histoire se situe en 1916, en Picardie. Les quatre orphelins, accompagnés par la jolie Luce, trouvent un peu de réconfort dans une cabane perdue dans la forêt. Puis, ils intègrent le « tas de briques », où ils connaîtront des situations périlleuses.
Bien que le postulat puisse paraître dramatique (des orphelins jetés dans la Première Guerre mondiale), Régis Hautière choisit d’éviter tout pathos et construit son récit sur l’aventure, les rebondissements et l’humour. En ceci, il s’inscrit pleinement dans la tradition de la bande dessinée franco-belge classique. Les disputes entre les protagonistes, leur naïveté et leur spontanéité font souvent sourire et les rendent attachants. Dans l’esprit de La Guerre des boutons et de Titeuf, cette série présente le monde vu par des enfants, avec toute la confusion et toute la poésie qui peuvent naître de la confrontation entre la brutalité des adultes et la candeur de la jeunesse. À ce titre, la discussion surréaliste, qui occupe les pages 16 à 18, sur la Tour Eiffel et un livre « qui parlait de types qui allaient sur la Lune grâce à un canon » est un régal. Autre point fort, Gustave, qui aide les Lulus à entrer dans le « tas de briques », et son patois mi-picard mi-ch’ti, illuminant les pages de sa bouille bienveillante et de son parler fleuri.
Au-delà de ce niveau de lecture, Régis Hautière glisse des idées, des dialogues ou des situations qui donnent de l’épaisseur aux personnages et au récit. Les cinq enfants deviennent des adolescents et ressentent les premiers émois. Les Allemands, très présents et conversant dans leur langue natale, ce qui est appréciable (traduction en bas de pages pour ceux qui ne sont pas germanophones), ne sont pas caricaturés. Ils ne sont ni idiots, ni assoiffés de sang. Même si l’un d’eux est ridiculisé par des hallucinations récurrentes qui n’en sont pas, nos ennemis teutons doutent du bien-fondé du conflit, pensent aux pères de famille qui ne reviendront pas et traînent leurs traumatismes du front et des tranchées.
Et puis il y a ce « tas de briques », lieu utopique, « palais social », incarnation du rêve socialiste du XIXe siècle, qui abrite « l’aristocratie du prolétariat », déjà mis en scène par l'auteur dans l'album De Briques et de sang (2010). Les cinq enfants se retrouvent entre France et Allemagne, ouvriers et bourgeois, enfance et âge adulte, et se heurtent à tous les conflits d’intérêt pour y répondre par un rire salvateur.
Cet épisode est une réussite. La série ne s’essouffle pas. Le découpage est dynamique, les situations de tension sont prenantes. Le dessin, entre atmosphère et expressivité, embarque le lecteur vers l’aventure. La fin de l’album promet un tome 4 haletant et plein de surprises. La Déchirure est, d’ores et déjà, attendue.
Les avis
Saigneurdeguerre
Le 01/06/2021 à 21:00:09
Décembre 1915. Quelque part dans une forêt du nord de la France.
Sur les conseils du pilote français qui a tué leur ami allemand Hans, les Lulus ont fui leur cabane en quête d’un endroit où la guerre ne les atteindra pas.
Dans une forêt, ils tombent sur un sabotier, Gaston, qui les aide comme il peut mais ne saurait nourrir cinq bouches supplémentaires. Les Allemands volant tout ce qui se mange, il n’est même pas certain d’avoir encore le minimum pour s’alimenter lui-même. Cependant, il leur conseille de quitter les bois, décidément trop fréquentés par les Boches et de se rendre en ville où ils passeront plus facilement inaperçus. Les Lulus se mettent en route pour Guise, une « grande » ville de six mille habitants. Vont-ils seulement y parvenir et si oui, dans quel état ?
Critique :
L’air de rien, cette BD est très didactique. Après avoir abordé les menstruations dans l’épisode précédent et « peut-on être ami avec un ennemi », cette fois-ci les auteurs vont nous faire découvrir le Familistère de Guise. Une création de l’esprit du scénariste ? Pas du tout ! Un bâtiment voulu par l'industriel Jean-Baptiste André Godin pour l'hébergement de ses ouvriers. N’hésitez pas à vous renseigner à propos de ce bâtiment et de son histoire très captivante, mais vous en saurez déjà beaucoup en lisant la bande dessinée. On y découvrira aussi des soldats allemands écœurés par la guerre, en convalescence, et pas pressés d’y retourner se faire charcuter. Les Lulus s’y plaisent dans ce Familistère mais une rumeur leur laisse entrevoir un avenir plus souriant, d’autant que les Boches occupent les étages les plus bas du Familistère…
kurdy1207
Le 06/03/2020 à 08:33:04
Les lulus débarquent au fameux familistère (à visiter absolument) du visionnaire Godin réquisitionné en partie par les troupes allemandes. La solidarité est le maître mot de cet album ainsi que les courses poursuites avec l’occupant. Hautière et Hardoc nous offrent encore une histoire pleine de surprises et la dernière est de taille.
Ithilvial
Le 15/09/2015 à 10:00:46
Des personnages très attachants et une histoire que l'on a envie de suivre. Je déplore cependant l'usage (maintenant automatique hélàs) d'une BD grand format (plus chère) pour un dessin qui ne le justifie pas!