Résumé: Aucune cellule, aucune prison ne résistent à Carl Douglas, alias Fatman, le roi de l'évasion. Ce talent brut au flegme tout britannique et à la carrure XXL est recruté de force par des gros bras venus de New York. Ces derniers le somment de faire évader le parrain de leur famille mafieuse, emprisonné à perpétuité dans un établissement de haute sécurité. Ils ignorent que Fatman n'obéit qu'à lui-même...
À
mi-chemin entre l’icône du groupe de ska Bad manners et un droog sorti d’Orange mécanique, Carl Douglas se tient (à chemise) à carreau(x). Qui soupçonnerait que le massif Anglais qui promène le micro chien de la voisine est reconnu comme un roi de l’évasion ? Son flegme typiquement british passerait même pour de l'apathie s’il ne saisissait la moindre occasion de dégainer un humour effilé comme une lame dès que l’un ou l’autre envisagerait de lui marcher sur les Doc. Lorsque des Ricains lui proposent de quitter son canapé favori pour orchestrer la "belle" d’un parrain outre-Atlantique avant son jugement, il ne fait pas de doute qu’il restera maître des opérations…
Qu’est-ce qui fait un bon polar et, plus généralement, qu’est-ce qui fait qu’une tentative visant à revisiter un genre archi-exploité soit couronnée de succès ? Une idée de génie ? Bien sûr, mais, au fil du temps, elles se font rarissimes. Le savoir-faire dans la technique de narration ? C’est un bon moyen et le duo Chauvel – Denys déjà aux manettes sur Soul man (déclinaison sur le thème du Casse et Prix BDGest’Art du scénario en 2010) fait une nouvelle fois preuve d’expertise dans le domaine.
Avec Fatman, les compères donnent une leçon, à plusieurs niveaux, en matière de construction. Que ce soit sur un plan formel ou sur le fond. L’exploitation du champ / contre-champ lorsqu’il s’agit d’exposer les joutes entre un mafieux vieillissant, qui oscille entre manipulation et Alzheimer, et ses interlocuteurs favorise des échanges de répliques au format ping-pong déstabilisantes. Les enchaînements retenus pour passer d’un lieu à l’autre, d’un groupe à l’autre, ou encore pour installer des flashbacks sans aucune autre transition que la reprise d’une posture finissent par être attendus, preuve qu’ils ne lassent pas. La personnalité monolithique de Carl, à l’humour de requin navigant en eau glacée et convaincu d’avoir une réflexion d’avance sur des alliés dont il convient de toujours se méfier, obéit aux canons du genre toujours appréciés.
En plus d’un chargeur plein de trahisons et de coups tordus, de rigueur, il y a aussi cette bonne idée de donner au grain de sable l’apparence d’une femme ordinaire. Étrangère au milieu des malfrats, plongée dans un état de névrose avancé qui lui fait fantasmer des passages à l’acte pour laisser exploser les frustrations accumulées au fil du temps, elle coupera la trajectoire des mauvais garçons pour offrir une parenthèse qui évite un récit enfermé dans un seul mode.
Élaboré par des maîtres horlogers, Fatman n’a à coup sûr pas l’outrance rencontrée dans certains comics qui se nourrissent de la vase des bas-fonds et de leurs usages. Ici, le ton est plus… british. Et c’est tant mieux, car il est agréable se laisser happer sans sortir la grosse artillerie verbale et violente. Il y a de quoi se demander si Sir Chauvel ne lance pas des collections à thème pour mieux montrer qu’il reste le caïd sur certains terrains de jeu… Humour gaulois, bien sûr.
La preview
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 18:18:59
Lorsque j’ai commencé ma lecture de Fatman, j’ai été interloqué par la petite scène présentant une femme au bord de la crise de nerf prête à tuer son mari mais qui refreine ses ardeurs meurtrières. On enchaîne sur la personne de Fatman, un gros lard qui se vautre sur son fauteuil en regardant des séries tv débiles tout en se goinfrant de chips ce qui ne confère pas à la sympathie. En outre, il fallait deviner que cette scène se passe en Angleterre.
On va lourdement insister sur le périple de ce personnage qui s’envole un peu forcé aux States pour accomplir un nouveau contrat en rapport avec le thème de l’évasion. J’ai senti alors une certaine lourdeur qui conférait à l’ennui. Il ne se passe pas grand-chose. Les scènes sont entrecoupées avec celles de la femme qui visiblement veut faire la peau du monde entier.
Pour autant, arrivé à mi-parcours alors que le décor est largement planté, il y a tout un mécanisme qui se met en place pour nous délivrer une fin magistrale. Bref, je me suis mis à apprécier cette bd. Notre Fatman se fait même voler la vedette. Il y a une part d’inattendu dans une mécanique pourtant parfaitement huilée d’où l’intérêt.
dorsetshire
Le 30/01/2013 à 19:54:32
Bon tome 4 de cette série Evasion. Scénario captivant de bout en bout avec deux histoires parallèles et un dénouement assez inattendu. Les dessins sont réussis avec une mention toute particulière pour le personnage de Fatman , très charismatique et qui reste zen en toutes circonstances.
criticabd
Le 26/01/2013 à 18:43:48
Une bonne histoire à la narration bien construite comme Chauvel sait le faire désormais. On ne quitte pas l'histoire. Certains passages pourront paraître rocambolesques (l'accident avec la dépressive/névrosée) d'autres plus inadéquats (quoique) en l'espèce du vieux mafioso qui voit dans la rencontre avec l'inconnue une planche de salut maritale. Mouais, pourquoi pas, c'est le choix des auteurs.
kasP
Le 26/01/2013 à 18:21:09
Une intrigue originale mais surtout un excellent scénario. Au lieu de le faire linéaire, les flash-back et forward s'enchaînent parfaitement maîtrisés, sans jamais nous perdre. Les dialogues directes et crus sont un régal et les moments de silence nous mettent dans l'attente d'une réaction qu'on voudrait aussi immédiate qu'un cliché. Mais rien. Et c'est au moment où on est sur le point de l'oublier qu'elle(s) arrive(nt). Le dessin un peu faible ne nuit pas à ce petit régal.
roch59
Le 06/01/2013 à 13:22:37
Carl Douglas, sujet britannique à qui l'auteur tente (sans vraiment y parvenir) de donner un style british, est tout a fait dans son rôle, et le scénario est intéressant. Le dessin est pas mal, mais tout de même statique. Peu de possibilités de s'immerger dans les bas fonds New-yorkais ni dans la pègre italo-américaine, une surprenante femme déprimée qui finira par décider de la conclusion...Un fourre tout sans véritable suspense, mais Fatman sauve cet album, tant il apparaît aussi adipeux que sympathique...