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lle s’apprête à célébrer ses 64 ans dans la maison de retraite où elle est soignée pour un cancer du poumon. Cette perspective ne l’enchante guère. Au crépuscule de sa vie, elle aimerait tant revoir une dernière fois cette plage sur la Mer du Nord où elle adorait venir avec son mari avant qu’il ne la laisse seule avec leur fils. Ce dernier va l’enlever et l’entraîner dans une aventure déraisonnable pour exaucer ce vœu. Leur chemin croisera celui d’une jeune fille désespérée qui se jettera sous les roues de leur fourgonnette pour en finir avec la vie. Ensemble, au gré des évènements, ils vont découvrir l’importance de la vie, de l’amitié et de l’amour.
On ne crapote pas avec l’amour fait partie de ces récits qui ne laissent pas indifférent car il s’en dégage une profonde humanité. C’est un plaisir de suivre l’enlèvement de cette vieille dame par son fils et de les accompagner dans ce road-movie si touchant. Avec cette jeune fille recueillie, ils vont se lier d’amitié et redécouvrir ensemble le sens de la vie, bien qu’ils soient proches de côtoyer la mort.
Ce deuxième tome nous conduit à cet épilogue douloureux, mais que de bons moments se seront déroulés entre temps. Cette aventure est très mouvementée, à l’image de cette promenade dans une mer agitée. Elle est également très attendrissante, à l’image de ce conte où trois papillons blancs nous donnent une leçon de vie. Malgré cette toile de fond très triste, suivre une vieille dame pour ses derniers jours n’est pas très gai, le propos reste léger en évitant les effets dramatiques.
Thierry Soufflard et Gilles Cazeaux ont imaginé des personnages aux caractères bien trempés, peu amènes à montrer leurs sentiments. Et tout leur talent a été d’en faire des êtres au cœur tendre, capables de beaucoup d’émotions les uns envers les autres, même si elles sont bien cachées derrière des dialogues bruts, caustiques et sans concessions. La force de ce récit réside donc dans la richesse de ces échanges remplis d’humour que partagent ces trois personnalités si différentes. Cet homme et ces deux femmes nous donnent une leçon sur l’existence, et face aux difficultés, l’optimisme est le meilleur des remèdes.
Le dessin de Gilles Cazaux est simple, efficace et seul subsiste l’essentiel. Il alterne les planches encrées avec quelques cases au pinceau, notamment pour le conte des papillons, donnant ainsi à ce dernier une grande profondeur. La mise en couleurs est très réussie, jouant avec une palette réduite à l’image de la couverture, Cazaux a su trouver les nuances pour donner au récit cette touche automnale si douce.
Vous l’avez compris, Le Grand Large est une histoire émouvante, avec ses personnages si attendrissants et résolument optimistes face aux épreuves traversées. Elle est illustrée par des dialogues piquants mais jamais incorrects, et par ce dessin simple et cette très belle mise en couleurs. Un album qui justifie ainsi pleinement sa place dans la collection Un Monde chez Casterman aux côtés de récits tels que Le Cahier bleu, Les Camaléons ou encore l’Outremangeur.