Résumé: Dieu créa le monde, les plantes, les animaux et les hommes. Il créa aussi l'enfer pour punir les gens mauvais et le paradis pour récompenser les gentils. Enfin il créa les anges pour surveiller tout cela. Puis le septième jour il se reposa. Malheureusement, au fil du temps, plus aucun homme ne fut digne du Paradis ! Il fallait réagir ! Dieu décida alors d'anéantir sa création !
Toute ?
Non ! Il s'agissait de mettre à l'abri tous les animaux, car après tout, ils n'avaient rien fait de mal. Et aussi de sauver un homme, et sa descendance, pour ne pas avoir à recommencer… Un certain Noé fut choisi, et un plan fut mis en œuvre : construire un bateau pour accueillir tout ce petit monde. Enfin, ça c'est ce que raconte l'ancien testament...
D
ieu créa le monde. Cela lui prit sept jours de son temps durant lesquels il installa de la végétation, des animaux et enfin, des hommes. Mais bien vite, il s'aperçut de sa bêtise, car cette dernière espèce, visiblement imparfaite, se chargea naturellement d'engendrer le mal et les excès en tous genres.
Alors, le créateur inventa le paradis pour récompenser les bienveillants et promis l'enfer aux autres. Une première réforme forte qui s'avèrera inefficace, puisque à son grand désarroi, la file d'attente pour accéder à la salle gérée par Satan n'en finit plus de s'allonger. Fou de colère, et parce qu'il faut bien lui reconnaitre une grosse part de fainéantise, le tout-puissant dépêcha sur Terre deux de ses ambassadeurs pour tenter de trouver un spécimen sain sur lequel il s'appuiera pour recommencer son œuvre. Ensuite, c'est décidé, un déluge apocalyptique viendra exterminer toute forme de vie.
« L'espèce humaine est la blessure de Dieu » – Jean Sulivan, prêtre et écrivain français (1913 - 1980).
Benoît Du Pelloux défonce les portes de la genèse, allant jusqu'à s'inviter à la table de Dieu le père pour comprendre et apporter des réponses aux nombreuses questions laissées en suspens par l'Ancien Testament. Outre l'hôte de marque, sont conviés dans l'évangile illustré selon l'auteur : Adam et Ève accompagnés de leur pomme dont il ne reste plus que le trognon, des archanges, avec à leur tête, un Gabriel plus lèche-botte que jamais. Puis et enfin, l'élu, un certain Noé, dont la seule préoccupation est de savoir avec quels kopecks il pourra financer ce projet démentiel d'arche qui lui est imposé. Le postulat, établi à partir d'un discrédit flagrant qui dénonce l'avilissement de l'être humain, est d'une profonde pertinence, naviguant sans cesse entre triste réalité et satire redoutablement savoureuse. Le récit qui aborde de manière directe ou camouflée des thématiques sociétales importantes est nourri d'idées très contemporaines et d'une narration abrupte, l'ensemble attestant d'un travail imaginatif pour le moins très inspiré et remarquable à bien des égards.
Scénariste mais également dessinateur sur l'ouvrage, l'auteur de Triple galop et de Tracnar & Faribol valide son propos par un trait caricatural humoristique et volontairement rythmé. Là aussi, c'est une réussite, car quel que soit le large éventail de ses personnages, du quidam au Sauveur, la dérision est de mise tout en restant au service de la trame. Avec la colorisation soignée de Fabien Alquier, il rappellera, par séquences, le dessin cocasse et plein de caractère de Jean Tabary, l'heureux paternel d'Iznogoud.
Caustique, jubilatoire et factuel, Avant le déluge, premier « missel » du Grand Châtiment est une friandise littéraire. Béni soit-il !