Résumé: Après Les Petites victoires, dans lequel l'auteur racontait avec force son quotidien de père d'un enfant autiste, Yvon Roy évoque avec toujours autant de finesse son enfance douloureuse. Touchant.
Nous sommes en Amérique et le calendrier affiche 1973. Par ici, la modernité vient tout juste d’arriver. Pourtant, il suffit de s’éloigner de la ville de quelques centaines de kilomètres pour reculer de plusieurs décennies. Tout est contraste, tout est neuf ou inexploré, tout semble possible. C’est dans ce contexte que deux jeunes parents quittent la ville avec leurs deux fils pour s’installer en campagne dans le but avoué de fuir la modernité. Cependant, rien ne se passe comme prévu et le climat familial se détériore rapidement. La seule option pour les deux frères est de fuir. Fuir chaque jour les violences parentales vers les champs et les bois, pour s’inventer une autre existence. Dans ce petit village perdu, à force d’aventures, de mauvais coups et d’amours d’été c’est toute la vie qui leur sera révélée.
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ls pensaient avoir trouvé l'endroit idéal dans l'immensité canadienne, un coin à eux pour faire bâtir leur future maison, face à un panorama de rêve. Puis les problèmes pointèrent le bout de leur nez : des retards de construction, un entrepreneur véreux, leur mère qui se renferme et devient de plus en plus irritable tandis que leur père trouve un ami en Jésus… Pour les deux frères, fuir cette ambiance étouffante est vital. Grâce à leur imagination, leur débrouillardise et leur complicité, ils vivront leur enfance comme ils le pourront, entre bravades et amitié, violence et indifférence.
Yvon Roy emmène le lecteur en 1974, pour une chronique autobiographique douce-amère. L'auteur canadien semble apprécier l'exploration des relations humaine. Si dans son ouvrage précédent, Les petites victoires, le thème était clair - l'autisme -, pour Graines de bandits, cela s'avère plus flou : une famille se déchire sans qu'il y ait de raison explicite. Peut-être la pudeur, ou tout simplement l'absence de réponse, font que l'accent est porté sur son ressenti en tant qu'enfant, son insouciance et ses premiers émois, plus que sur l'aspect psychologique et l'origine de cette scission familiale, manifestement profonde. Il est facile de s'attacher à ce petit gars cabossé qui cherche maladroitement à instaurer le dialogue et à s'immiscer dans cette nouvelle communauté, avec ce que cela comporte d'erreurs. Néanmoins, il persiste un décalage, un manque de profondeur entre le ton léger et ce qu'il apparaît comme une situation tendue. Manifestement, c'est une volonté de l'artiste d'éviter de s'appesantir sur le côté sombre de cette période.
Le style épuré et simple convient à ce récit vu au travers des yeux d'un jeune garçon. Le noir et blanc retranscrit les quarante-cinq années dans le passé, même si de la couleur aurait apporté plus de chaleur à l'ensemble. Il subsiste un peu de rigidité dans les postures, cependant la fluidité de lecture reste impeccable.
Il n'est pas toujours facile de grandir dans un milieu où les repères s'éparpillent aux quatre vents de l'incompréhension. Une tranche de vie intéressante à lire, mais qui ne laissera pas de marque prégnante.