Giuseppe Bergman revient dans nos bonnes librairies pour nous offrir une de ses
nouvelles aventures. L’eau, encore elle, enfante cet héros moderne — qui
ressemble à Alain Delon, icône de Visconti — afin qu’il nous transporte dans l’une
de ses balades, pas celle de Corto mais la sienne, avec son lot de femmes et de
personnages tordus. Bergman est désabusé : le sauvage et l’inconnu qui, de nos
jours, ont été banni des aventures humaines l’ont obligé à prendre la mer, le
dernier espace de liberté. Il veut vivre le grand frisson, loin des villes et de la
modernité.
Manara confronte son personnage à celui d’Homère — archétype du roi
vagabond errant et expiant ses fautes. En effet, Ulysse, non celui de Joyce, mais
celui qui est en chacun de nous croise la voile de Bergman, héros fellinien dans
toute sa splendeur, pour vivre une partie de son Odyssée. Bien entendu, la
présence féminine, volupté et luxure, hante ses deux hommes : Pénélope attend
le retour de son mari et Giuseppe ne fait que des rencontres pour le moins
agréable. Que serait une bande dessinée de Manara sans ses femmes
plantureuses au regard coquin et aux tenues d’Eve, une véritable invitation au
voyage ! Il reste un maître inégalé dans la représentation de la nudité : la
vulgarité n’est jamais présente dans ses histoires car il connaît et aime les
femmes.
Cette série, initialement chez Casterman, est reprise par les Humanoïdes
Associés. L’odyssée de Giuseppe Bergman sort en couleur sans que le trait de
Manara ne soit dénaturé et apporte une nouvelle dimension à son travail. Les
autres aventures seront rééditées en plusieurs tomes, ce qui n’empêche pas de
les relire en noir et blanc.