Résumé: On pourrait croire qu’on est dans un hardboiled classique. Un agent du FBI sur le déclin, trop doué pour être utilisé à bon escient. On pourrait croire qu’on est dans un thriller classique.
Un meurtre violent dans une ruelle et une enquête qui piétine. On pourrait croire qu’on est dans un récit fantastique classique. Un flic qu’on surnomme « Ghost », comme sorti d’un mauvais rêve, d’une hallucination aux relents d’alcool mal digéré. On pourrait. Mais ce serait se faire confiance et penser que dans Ghost, on a le droit de se fier à ce qu’on croit, plutôt qu’à ce qu’on VOIT.
J
ohn Ghostman, ex-profileur du FBI, donne désormais dans la filature commanditée par quelques cocus voulant confondre leur conjoint volage. Depuis une tentative d'arrestation qui a mal tourné, il a choisi de se couper du Service et des détraqués qu'il pourchasse. Jusqu'au jour où l'affaire «Cisaille» conduit un ex-collègue à renouer le contact. Mais, par le passé, "Ghost" est toujours hanté...
Andrea Mutti (notamment dessinateur du Syndrome de Cain chez Soleil et Nero chez Casterman) le déclare haut et fort tout au long de Ghost, mais aussi dans sa postface : la science et le raisonnement utilisés systématiquement et à toutes les sauces pour résoudre toutes les enquêtes policières, une certaine catégorie de lecteurs en est saturée. Dès lors que les motivations des tueurs, des tarés sanguinaires, des pervers équarrisseurs, des tortionnaires de mioches n'obéissent pas à des motivations ou des schémas rationnels, pourquoi les enquêteurs ne se laisseraient-ils pas guider par leurs instincts, voire par leurs démons pour les traquer ? Le postulat scénaristique se tient et a l'avantage d'installer l'ambiance.
Graphiquement, celle-ci est dans le ton : ce n'est qu'à la relecture que lecteur s'aperçoit qu'il y avait bien quelques coins de ciel bleu dans certaines séquences, absorbé par l'obscurité, imprégné des lieux aussi sales et encombrés que l'esprit de la plupart des protagonistes, dont le visage est toujours maculé de pénombre. Alternant entre sophistication (les méthodes d' « experts » qui montrent néanmoins leurs limites, le piège qui coûte la vie à un inspecteur) et registre primal (le compagnon de Ghost, les hallucinations), il est facile de se laisser entraîner, l'essentiel étant dans la manière d’accommoder des éléments assez classiques (l'ex-flic brisé, le ver dans le fruit, quelques éléments de décors échappés de Seven, collet dans la veine de Saw,...).
Totalement convaincant dans sa construction, en particulier dans sa façon d'installer son personnage central et de concrétiser physiquement le fardeau qui l'accompagne, l'affaire suscite toutefois un regret : celui de constater qu'une ou deux fausses pistes avant la résolution de l'affaire n'auraient pas nui au plaisir de lecture, preuve que le rythme imprimé et le ton employé étaient efficaces. Maudits lecteurs, même lorsque vous leur donnez soixante-douze planches, ils ne sont pas encore satisfaits et en demandent toujours plus ! Reverra-t-on John Ghostman ? A l'heure qu'il est, il erre en Enfer, ici-bas...
La preview
Les avis
Erik67
Le 23/11/2020 à 20:04:38
La couverture de Ghost nous induit un peu en erreur car il ne s'agira pas d'histoire de fantômes au sens littéral du terme. Nous avons encore droit à l'ancien inspecteur du FBI dont une affaire avait mal tourné et qui revient malgré lui aux affaires de la criminelle. Il est marrant de constater ce que peut entraîner l'absence d'un collègue.
On n'y croira pas trop mais on se laisse aller. Le décors est sombre et le thriller se place sur le terrain du psychologique ce qui n'est pas pour me déplaire. Cependant, malgré une atmosphère pesante, cette descente aux enfers s'est faite un peu sans moi.
Il manque tout simplement une trame originale à ce thriller au demeurant bien dessinée.
mome
Le 11/03/2012 à 23:46:54
Bon, soyons clair, je suis fan de série noire. Et là cette Bd a pleinement satisfait mon addiction. Car pour être noir, c’est noir. Un ancien du FBI devenu privé est rappelé sur une affaire de tueur en série. Il accepte car le tueur semble le provoquer.
Comme souvent dans la série noire, ce n’est pas la qualité de l’intrigue ou son originalité qui fait la qualité de l’histoire. La plus-value se situe au niveau sur les portraits et l’agencement des ingrédients. Dans Ghost, si effectivement les ingrédients sont classiques, la narration est forte en particulier pour nous livrer en personnage central puissant, pour nous plonger rapidement dans son monde de folie et ne plus nous lâcher. Il manque simplement quelques pages pour nous emmener sur de fausses pistes et faire durer le plaisir un peu plus longtemps.
J’ai retrouvé dans ce récit ce qui fait la force des romans de Dennis Lehane ou de James Lee Burke : des personnages marqués par le passé, leurs échecs, leurs fautes ou encore leurs doutes et pour résumer leurs démons. Des personnages qui enquêtent grâce à leur expérience de la société et de la folie qui peut y naître en non par l’intermédiaire de la science.
Le graphisme de Mutti excelle pour donner le ton du récit. Ici ne cherchez pas la précision des détails, c’est l’efficacité pour incarner l’esprit du récit qui est privilégiée. Le graphisme est baigné dans l’obscurité liée à la noirceur du temps, des lieux et des esprits. Je suis généralement attiré par des dessins réalistes aux décors précis. Le style comics peut facilement me rebuter mais quand il atteint une telle qualité d’évocation, j’adore.
Un récit sombre, dérangeant, qui vous travaille au corps pour le plus grand plaisir des amateurs de série noire.