Résumé: Il y a ceux qui refusent d'aller plus loin dans la résistance et ceux qui considèrent que le changement n'est pas allé assez loin.
Suite directe de Wake Up America, ce nouveau récit reprend en 1965, après la signature de la Loi sur les droits de vote. À ce moment-là, John Lewis et ses camarades sont de nouveau arrêtés alors que le Ku Klux Klan prépare sa plus grande marche masquée depuis des années.
Méticuleusement documenté et mis à jour, Lewis raconte les combats gagnés et les doutes d'un mouvement de lutte pour sauvegarder les acquis juridiques durement gagnés et devenir une force électorale pendant que la guerre du Vietnam occupe le paysage médiatique américain.
Bien souvent, l'Histoire ne va pas au-delà des victoires, John Lewis nous montre ici qu'elles ne sont en fait que le début d'autres combats à venir.
J
ohn Lewis fait partie des personnages-clés de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. Entre 1961 et 1965, il fut président de la Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), syndicat étudiant non violent, et multiplia les actions pour combattre la ségrégation. Il participa aux Freedom Rides, fit partie des Big Six qui organisa la marche sur Washington de 1963, et marcha de Selma à Montgomery. Il représente l'une des mémoires de ce mouvement qui s'éleva contre l'injustice qui frappait la population afro-américaine. Il a entrepris de raconter son combat en bande dessinée, afin que les nouvelles générations prennent conscience de l'importance de leurs victoires, mais aussi de leur fragilité.
Dans Wake up America, il racontait la lutte qui aboutit à la promulgation du Voting Rights Act de 1965 interdisant les discriminations raciales dans l'exercice du droit de vote. Get up America relate la difficile application des droits acquis par sa communauté. Il ne suffit pas qu'une loi soit votée pour qu'elle soit appliquée par tous, et la toute-puissance des suprématistes blancs continuait d'exclure, quitte à commettre le pire. La guerre du Vietnam compliqua encore la situation, les jeunes noirs étant particulièrement touchés par la conscription, dont toute critique était considérée comme un acte anti-américain.
Cette frustration provoqua une remise en question de la doctrine pacifique prônée par Martin Luther King. Les avancées trop fragiles, les promesses non tenues, l'injustice persistante eurent raison de la patience des plus fougueux. Un nouveau courant ne tarda pas à émerger, avec un slogan clair : Black Power et un logo qui inquiéta le pouvoir : une panthère noire.
Cette bande dessinée propose une leçon d'histoire moderne édifiante, d'autant plus interpellante qu'elle remonte à une période extrêmement proche et parce que l'actualité continue d'être agitée de soubresauts du passé raciste institutionnel. Évidemment, le fond l'emporte sur la forme, comme si les auteurs voulaient à tout prix éviter de déforcer leur message. La réalisation est soignée, assez classique dans son approche, semblant parfois hésiter entre l'illustration et une mise en image plus dynamique. C'est à croire que certaines planches ont été pensées pour servir de support à un débat. Sans doute est-ce là le prix à payer pour ce genre de projet. Ce dernier ambitionne de jouer un rôle éducatif et de vulgariser auprès du plus grand nombre possible un sujet complexe et dense. Ne pas être rébarbatif et ne pas édulcorer les faits représentent deux objectifs qu'il est délicat d'équilibrer. La lecture interpelle, révolte parfois, d'autant que les événements rapportés sont bien trop proches et que des scènes récentes, à Charlotte ou Ferguson par exemple, indiquent que les fantômes du passé ne sont guère loin. Le pari est clairement réussi et comment ne pas être rempli d'admiration pour tous les militants qui habitent ses pages ? Le livre se clôt d'ailleurs par un dossier pédagogique reprenant les biographies succinctes de ses principaux protagonistes. Une lecture utile, indubitablement.
Les avis
Erik67
Le 25/12/2023 à 09:30:01
Ce titre est la suite de la série « Wake Up America » du même auteur sur une peinture de la société américaine des années 60 partagée entre la haine et la ségrégation. Il s'agit de mieux comprendre le combat des citoyens américains d'origine black.
Les auteurs montrent surtout comment des manifestations non-violentes ont pu contribuer à l’avènement d'une société leur offrant les droits civiques nécessaires à l'égalité entre tous les citoyens.
C'est toujours aussi passionnant et captivant car fort bien documenté. On reste dans le réalisme des situations avec une mise en scène parfaitement maîtrisée dans le genre documentaire.
Le dessin de Nate Powell s'est même amélioré au nouveau de la netteté du trait ce qui rend la lecture plutôt agréable. On reste toujours dans le noir et blanc mais mâtiné de gris. Au final, on peut dire que ce graphisme s'accorde parfaitement avec l'époque décrite.
On se rend compte à la lecture que les faits qui se sont produits sont extrêmement graves pour cette population noire qui a été véritablement martyrisée par un pouvoir blanc qui ne faisait pas dans la concession. On peut mesurer bien entendu les progrès qui ont été réalisé depuis cette époque même s'il demeure toujours des problèmes qui n'ont pas été réglé notamment en matière économique. Le racisme demeure également une plaie.
On suit surtout l'un des auteurs malheureusement décédé en 2020 à savoir John Lewis qui a joué un rôle déterminant dans la lutte pour les droits civiques. Il a été écarté en 1966 de son mouvement le SNCC (Student Nonviolent Coordinating Committee) par Stokely Carmickael qui allait donner une autre impulsion moins pacifiste dans un contexte de changement de société.
Oui, il y avait bel et bien des dissensions pour des orientations totalement différentes et divergentes. Le black power prenait de l'essor ce qui pouvait desservir au mouvement de base pour une société d'égalité.
Je trouve que c'est un bel hommage qui est rendu avec la volonté de faire une nation plus juste et équitable. Il y a des causes qui méritent qu'on se battent pour elles.