Résumé: Du haut en bas de la pyramide sociale, que l'on soit mère célibataire ou cocréatrice d'un empire commercial, les mécanismes de transmission du patrimoine bénéficient aux hommes, quand bien même nos sociétés proclament plus de parité. Entraînées par une armada de félins volubiles, les autrices éclairent le rôle de la famille dans la perpétuation des inégalités de richesse.
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arfois, il faut passer au-delà d'une première impression peu encourageante. Il faut bien admettre que la couverture de cette bande dessinée est particulièrement peu engageante avec son choix de couleurs assez laid et une illustration sans réel rapport avec l'intérieur, que ce soit dans le style graphique ou la forme.
Une fois passé cet écueil, le contenu se révèle très intéressant. L'égalité homme/femme est inscrite dans la loi. Pourtant, les différences de patrimoine perdurent, et tendent même à s'aggraver. Il est d'ailleurs édifiant que la racine étymologique de ce terme renvoie au père, suggérant une autorité masculine sur les possessions d'une famille. Ce constat a été dressé par les sociologues Céline Bessière (Paris Dauphine) et Sibylle Gollac (CNRS, Paris 8). Depuis une vingtaine d'années, elles conduisent une recherche approfondie sur les répartitions patrimoniales lors de divorces et de successions. Au fil d'exemples et de cas d'études, elles exposent comment les héritiers masculins restent favorisés, parfois à la limite de la légalité. Les biais misogynes entachent dans les jugements de divorce, invisibilisant le travail domestique et conservant une vision archaïque de la famille. La femme reste assignée à un rôle domestique, la condamnant à la précarité, alors que la position professionnelle de l'homme est privilégiée, que ce soit dans l'organisation de la garde des enfants ou le refus de prise en compte du travail "gratuit" fourni par l'épouse. Implicitement, il est admis qu'il doit subvenir aux besoins de la famille, même décomposée, sauf qu'il s'agit d'un marché de dupe, puisqu'il ne participe qu'indirectement, par le versement de pensions alimentaires - souvent impayées - alors que c'est l'ex-épouse qui doit supporter la majorité des charges.
Les cas exposés couvrent toutes les classes sociales, pour démontrer qu'il s'agit d'un problème systémique.
Evidemment, les situations exposées sont parfois techniques et complexes. Le processus narratif choisi par l'autrice Jeanne Puchol tente de s'éloigner des longs monologues laborieux. Elle alterne les discussions en zoom - les intervenantes étant représentées par des avatars lisses et sans expression -, les planches plus didactiques et le recours à des chats qui racontent, avec un mélange de candeur et d'impertinence, les déboires de leurs propriétaires d'origines diverses.
Cette multiplication des procédés semble empêcher d'approfondir les sujets, les changements de narration cassant le rythme. Sans doute le but était-il d'éviter la monotonie des échanges techniques en introduisant une distance, mais l'effet ne fonctionne qu'à moitié. Cette réserve sur la forme n'empêche pas le genre du capital de soulever nombre d'interrogations essentielles et d'exposer des enjeux particulièrement importants.