A
l’approche de l’an 1500, date charnière qui exacerbe les superstitions, le Vatican est soucieux de restaurer son influence après la fin du schisme d’Avignon. Envisageant de relancer une croisade contre les Sarrasins pour unifier la chrétienté plutôt que de la laisser se déchirer, il s’intéresse de près aux inventions de Leonardo, artiste florentin réputé qui se passionne autant pour la peinture que pour les machines révolutionnaires.
Une théorie récente prétend que l’immense succès du Da Vinci Code, comparé à d’autres œuvres du même genre, est dû notamment au titre qui mentionne le créateur de la Joconde, dont le simple nom suffit à suggérer le mystère, le génie, le talent. Il serait intéressant de vérifier cette analyse sur cette nouvelle série proposée par Paquet. La comparaison cependant s’arrête là et c’est heureux : Général Leonardo ne s’aventure jamais sur les plantes-bandes maintes fois piétinées de l’ésotérisme vulgarisé, et s’installe au contraire dans un registre assez curieux, entre le pastiche et la série historique.
Le journaliste (spécialisé en BD) Erik Svane focalise son récit sur la personnalité extraordinaire de Léonard de Vinci, en particulier son génie pour la mécanique qui l’a fait inventer des machines telles que des chars ou des ailes volantes. Quand on y ajoute l’aspect humoristique, on pense immédiatement au Léonard de Turk et De Groot, la présence du comparse couvert de bandages plaidant d’ailleurs pour un hommage volontaire. Le comique n’est pourtant pas prépondérant, à la fois parce que les situations ne sont pas franchement hilarantes mais aussi parce que le récit est parsemé de lourds dialogues tentant de présenter une complexe situation historique. On n’en saisit pas franchement l’intérêt d’autant que l’ensemble bascule ensuite totalement dans l’absurde, avec l’enlèvement de Leonardo, l’attaque des pirates et celle du camp sarrasin ensuite. Il y a là encore un côté éculé dans l’humour, à base de comique de situation, le décalage du personnage principal n’étant sans doute pas assez exploité, notamment dans les dialogues.
Le dessin est dans le même esprit, hésitant. Dan Greenberg apporte son trait léger et réaliste, et s’adapte au ton du moment : en plan large avec des décors ou avec des schémas en arrière-plan façon dessin animé pédagogique quand le récit se fait sérieux ; décalé, parfois à la limite de la caricature pour les passages drôles, avec des plans serrés sur des personnages assez raides. Malheureusement, le graphisme ne bascule jamais vraiment dans un excès qui aurait pu venir suppléer un scénario parfois un peu juste dans ce domaine.
Dommage sans doute que ce synopsis sympathique n’ait pas bénéficié d’un peu plus d’audace. Les auteurs pourront probablement rectifier le tir, si la théorie évoquée plus haut leur permet de conserver l’exposition nécessaire pour étaler leurs progrès.