Résumé: Une adaptation en roman graphique magnifiquement illustrée du classique américain bien-aimé de F. Scott Fitzgerald. Gatsby le Magnifique est son troisième roman, l'aboutissement suprême de sa carrière. L'histoire du riche et mystérieux Jay Gatsby et de son amour pour la belle Daisy Buchanan, des fêtes somptueuses à Long Island y sont décrites dans ce conte délicieusement conçu dans l'Amérique des années 1920.Publié pour la première fois en 1925, l'ère du jazz par excellence, ce roman a été acclamé par plusieurs générations de lecteurs et est maintenant réinventé : Gatsby, Nick, Daisy, Tom, East et West Egg y sont racontés dans des illustrations luxuriantes et romantiques par l'artiste Aya Morton, et le texte cristallin de Fitzgerald a été adapté par Fred Fordham, déjà auteur des adaptations de Ne tirez sur l'oiseau moqueur et Le Meilleur des Mondes.Les nouveaux lecteurs, comme les fans de longue date de Gatsby, seront enchantés par la beauté nostalgique de cette nouvelle vision. Jay Gatsby, Nick Carraway et Tom Buchanan apparaissent en costumes trois pièces lorsqu'ils sont en ville ou assistent à une fête, et en short de tennis lorsqu'ils passent un après-midi tranquille sur leurs vastes propriétés. Daisy Buchanan et Jordan Baker, en perles et longues robes moulantes, passent leurs journées avec du vin à la main. L'oeil d'Aya Morton pour la mode et la décoration intérieure aide le lecteur à s'immerger complètement dans l'époque, tandis que la refonte du texte original par Fordham reflète une profonde intimité avec l'oeuvre de Fitzgerald.
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ick Carraway se remémore Gatsby, ce romantique doué pour l’espoir, empli des promesses de la vie et de rêves illimités. C’était au début des années vingt, sur la côte est américaine, sur le détroit de Long Island, à proximité de New York. De retour d’Europe et du premier conflit mondial, il s’installe à West Egg, avec le projet de devenir courtier. Il retrouve sa cousine Daisy, mariée à Tom Buchanan ; le couple est fortuné et vit dans une luxueuse villa. Nick y fait la connaissance de Jordan Baker, star championne de golf. Il plonge ainsi, en témoin éberlué, dans l’insouciance des riches, l’oisiveté des individus et le cynisme de ceux qui sont au-delà de la société. Il pénètre malgré lui dans une dimension où les détails deviennent des mondes, où le désœuvrement incite à tuer le temps, et bien d’autres choses. Tom a une maîtresse et met le jeune homme dans la confidence. Des beuveries sont organisées à Manhattan. Dans le même temps, il est intrigué par son voisin, un certain Gatsby, affichant une opulence indécente et mystérieuse, qui donne des fêtes somptueuses, sans invitations, ouvertes à toutes et tous. Il le surprend également, la nuit, sur la plage, tendant les mains vers une lumière qui déchire les ténèbres. Il est au cœur de toutes les curiosités : quelle est son histoire ? D’où lui vient sa fortune ? Qui est-il ?
The Great Gatsby de Francis Scott Fitzgerald (1896-1940) a été publié en 1925. Il disparaitra rapidement des librairies pour cause de ventes insuffisantes et ne sera considéré comme un classique incontournable qu’après le décès de son auteur. Plusieurs fois adapté au cinéma, traduit et retraduit régulièrement, c’est une œuvre qui se dérobe, un récit qui ne se laisse pas enfermer et échappe souvent à ses adaptateurs. Fred Fordham au scénario (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, d’après Harper Lee) et l’illustratrice et portraitiste Aya Morton (His Dream of the Skyland) proposent, en 2020, leur vision de Gatsby Le Magnifique. Leur travail est fidèle à l’original, respectant la chronologie des faits, le contexte et les caractéristiques de chacun des personnages. Ils exposent avec retenue et précision cet univers décadent, teinté de racisme et d’idéologie sur la domination blanche (incarnés par Tom), la vacuité des conversations, la superficialité des relations humaines et, a contrario, la violence des passions.
La plus-value artistique est attendue du côté du dessin et, à ce titre, les choix d’Aya Morton sont remarquables. Son trait est réaliste, dépouillé et trouve le point d’équilibre entre la fixité des corps et d’imperceptibles mouvements révélant des tourments internes. La mise en couleurs, sobre, élégante et signifiante, contribue à dire ce que les mots ne peuvent pas exprimer. La jungle new-yorkaise est oppressante, les corps sont sensuels, l’atmosphère tragique vient contredire, comme chez Fitzgerald, le bonheur de façade des protagonistes. Derrière le bleu de la piscine, le champagne doré, les lustres flamboyants et les marbres rutilants, est révélé, comme en filigrane, un malaise croissant, qui atteindra son apogée dans le dénouement tragique. L’inventivité de la dessinatrice se révèle particulièrement dans l’agencement de la planche, les cadrages retenus, dans l’explosion des contours et le jeu sur les tailles et les formes des cases.
Le propre des chefs d’œuvre est d’être renouvelés à chaque lecture, à chaque tentative d’adaptation. Gatsby Le Magnifique, le roman, ne sera jamais épuisé. Intelligemment, cet album n’en a pas la prétention. Il a pour projet de mettre en valeur ce que l’image peut révéler, en contrepoint du texte, en augmentant ses possibles. Le pari de Fordham et Morton est réussi et constitue un bel exemple de ce que la bande dessinée peut apporter à la littérature : être un exhausteur de sens et de beauté.