S
es études terminées et sa carrière internationale de dessinateur de BD à succès pas encore arrivée au niveau qu'il espérait, Tofépi avait choisi de retourner sur sa terre natale pour se ressourcer au sein de sa famille. Après un temps réservé à l’introspection et quelques rares remarques assassines à répétition de la part de sa mère à propos de sa situation, il se dégote un poste de correspondant dans un hebdomadaire local. Rapporter les nouvelles de la semaine, les départs en retraite, les tournois de belote et les kermesses... que d'aventures et de scoops potentiels à débusquer ! Au moins, ça lui permet de sortir de la maison, de voir des gens et d’avoir une réponse toute faite quand des voisins lui demandent quel est son boulot.
Chronique autobiographique, Le gars d’Hebdo se déroule chronologiquement juste avant le grand voyage asiatique narré dans Desh. Le scénariste raconte son quotidien alors qu’il jouait au Tintin des campagnes. Outre une série de portraits amusants faits autant de tendresse pour les autres que d’autodérision pour lui-même, c’est tout un instantané de la France des territoires que propose l’auteur. Habitudes devenues traditions au fil des années, tissu social fragile, mais tenace et personnages hauts en couleurs, ce monde semble immuable. Pourtant, le narrateur paraît être pressé à le consigner, comme si ce microcosme allait disparaître, un peu à l’image de sa jeunesse en y pensant bien. Ce double constat apporte un supplément de profondeur à l’ouvrage et, par la même occasion, rend ces considérations universelles, peu importe son lieu de naissance.
Graphiquement, Tofépi ne fait pas dans le photographique ou le léché. À l’instar des dessinateurs de presse, son trait rond et épuré transmet directement l’instant présent, tout simplement. De plus, l’artiste possède une seconde corde à son arc, son humour. Montrer le détail qui tue, en faire un running gag et ne pas hésiter de payer de sa personne pour révéler absurdités et travers, la lecture s’avère particulièrement rafraîchissante par sa franchise et l’intelligence de ses observations.
Atmosphère à la Bruno Heitz sentant bon le terroir, drôlerie volontaire ou involontaire jamais réalisée aux dépens d’autrui, Le gars d’Hebdo est un miroir à peine déformant d’une réalité bien plus riche que pourrait le suggérer le côté bon enfant de sa narration.