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i>Francis blaireau farceur voit le jour en 1996 de manière assez discrète, un peu à la manière de son format minimaliste, dédié à un inaltérable six cases tout en longueur qui débute avec une belle constance par un « Francis se promène dans la campagne ». Quoiqu’il en soit, le petit veinard qui tombe dessus du fait du hasard ou d’un conseil éclairé risque fort d’être pris par un irrépressible fou rire qui ne le quittera qu’une fois le livre fermé. Il est de ceux qui seront relus et surtout qui se partagent, s’offrent, et pas à la manière des Blondes, s’il vous plait !
Les auteurs s’en donnent à cœur joie et ne font, ni plus ni moins, que de singer (blaireauter ?) les aspects les plus abjects et les instincts les plus bas de la nature humaine, sans oublier d’en exploiter les conséquences avec acuité. Le résultat est là, c’est très noir et profondément irrespectueux, mais surtout, c’est drôle. Chaque case regorge de ces bonnes idées et détails truculents qui font la différence. Le dessin, enfantin pour le trait, adolescent boutonneux pour l’esprit, permet de ne pas s’oublier dans un contemplatif béat et offre de profiter de la bêtise de l’instant. Parfait pour illustrer pareil propos, la lecture est rapide, mais bonne – il est bon de rire parfois ! Les albums s’enchaînent à une cadence tranquille et irrégulière, tout en conservant, l’effet surprise en moins, une bonne partie du sel du premier tome. Les titres donnent à rêver ( Francis veut mourir, Francis cherche l’amour, Francis sauve le monde) et ne trompent pas sur la marchandise : ça va chier.
Cinquième tome de ces recueils de strips, Francis rate sa vie… et plombe l’ambiance. Si l’apparence demeure, la belle mécanique est rouillée. Les tressautements du lecteur hilare ont cédé la place aux toussotements gênés de celui qui n’a pas saisi un bon mot. Une relecture n’y fera pas grand-chose, cet album est résolument moins bon que ses prédécesseurs. Pourquoi ? Tout d’abord, et sans nul doute, du fait d’une absence de fluidité ; la narration a du plomb dans l’aile. L’enchaînement des cases est bien souvent laborieux et la percussion d’avant s’est perdue en route. Quant à la chute, elle cède plus d’une fois à la facilité d’une pirouette bien souvent absurde qui tombe davantage à plat qu’à pic, un peu à la manière de tout livre ou film qui repose lourdement sur sa fin et dont l’explication finale se révèle foireuse. Une autre explication possible, moins axée sur la forme que sur le contenu, tient de la nature des sujets abordés qui, embourbés dans l’actualité (traders, bio,…), s’éloignent de l’univers touche à tout dans lequel baignait jusqu’alors Francis et souffrent du « déjà vu, déjà traité ». Et le tout de perdre en universalité. Autre effet pervers d’un champ d’action limité, l’impression de redite et de fouillis prédomine et provoque la saturation.
Assez quelconque, Francis rate sa vie laisse ce goût amer de l’ami qui rentre dans le rang alors que vous espériez encore pouvoir effectuer un dernier baroud d’honneur en sa compagnie. Restent alors les souvenirs, car Francis a bel et bien eu un âge d’or.