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ans la veine Water, Fragments d’amour est composé de 19 courts récits sur cette période faite d’un diffus mélange entre certitudes et incertitudes qu’est l’adolescence. Déconnectées de leur contexte, la brièveté des tranches de vie exposées peine à accrocher l’intérêt, l’auteure ne parvenant pas sublimer, tant graphiquement que narrativement, ces parenthèses qui se veulent le fait de l’âge ingrat à la sauce féminine. Autour du centre de gravité des préoccupations - les garçons -, l’ennui omniprésent, le doute permanent et le malaise de chacune forment le nœud de cet album. Mais comme couchés sans vie sur le papier, ils sont rarement à même de provoquer une quelconque empathie chez le lecteur. Le problème est que l’idée de cet album, telle qu’elle semble posée là, n’est pas d’avoir du sens, mais de fonctionner au ressenti. Il n’est pas évident que cela fonctionne, même chez le public de cœur - la jeune demoiselle - ciblé par une couverture à l’esthétisme soigné. En effet, le texte se perd souvent dans des considérations personnelles qui ont de quoi laisser de marbre toute autre personne que le protagoniste concerné.
Dans ce recueil reprenant des histoires dessinées entre 1997 et 2003, Kiriko Nananan évolue entre un trait parfois très appliqué, presque froid, celui de la période Blue, et parfois plus lâché, sans pour autant verser vers le brouillon. Sans doute parmi les aspects les plus intéressants de son travail, son sens du cadrage et l’agencement de ses planches déclenche de temps à autre, de manière trop rare, une étincelle qui interpelle le regard. Il en va ainsi de certains plans rapprochés sur les visages et les mains, mais surtout de cases qui se perdent dans un décor souvent déshumanisé, comme pour créer un interlude visuel où égarer sa pensée. Dommage, le reste a moins de fulgurance.