«
Le prolétariat s’est laissé pervertir par le dogme du travail. Rude et terrible a été son châtiment ». Cette sentence, extraite du livre Le droit à la paresse (1883) de Paul Lafargue, est mise à l’honneur en quatrième de couverture de l’album. Visionnaire, Lafargue ? Qu’importe, un petit troquet albigeois résiste, ou tout du moins la part de ses fidèles clients toujours prompte à réclamer la tournée au patron - voilà un joyeux pléonasme. La France qui se lève tard veille, comme en témoigne la couverture, celle mise en valeur, ou non, sur les étals des librairies, qui donne une vision onirique du lendemain de cuite : un container à verre entouré de moult bouteilles vides et cassées. D’un côté la philosophie, de l’autre l’ivresse, et en fédérateur, le comptoir du bar « Jour de fête ».
Depuis 1999, et Opération disco, les amis Marco et Gégé, rejoints par Pierrot et le désopilant Jipé, luttent. Dit comme ça, ça manque un peu de sens, mais, quoi qu’il en soit, ils montent au créneau, notamment contre l’augmentation du prix du demi et pour la tournée du patron (bah oui). Cependant, leur champ d’action ne se limite pas à ça. Ainsi, ils font œuvre de pédagogie pour vanter les bienfaits de l’alcool, qui, miracle de la vie, enlève toute inhibition et garantit ainsi son lot de branlées, que ce soit au café des sports pour les rencontres amicales avec les habitués, ou lors de tentatives de « chopage de meufs » accompagnées. Arf, s’ils s’étaient unis avec Plageman et sa bande, nul doute que l’ordre du monde s’en fût trouvé renversé.
Plus sérieusement (ça ne sera pas long), le contenu de Foutoir interpellera le lecteur sur son vieillissement, sur son degré d’embourgeoisement, voire sur celui des auteurs (par ailleurs tenanciers d’une régulière correspondance pour la revue Jade dans laquelle ils évoquent l’évolution de leur rapport à la bande dessinée). La soupe servie à l’air d’aussi bonne facture que les précédentes, tous les poncifs du genre qui réjouissaient le jeune adulte encore ému de ses faits d’armes adolescents semblent présents, néanmoins, ça fait moins rire. Ça reste bon, mais l’enthousiasme n'est peut-être plus le même que jadis.
À la manière des grands du microcosme, Les requins marteaux proposent à la fin de l’album un supplément avec un numéro de Ferraille science consacré à l’art contemporain. Enfin un sujet sérieux, avec son lot de vernissage où il fait bon se mettre minable. Les auteurs, Marco et Gégé, ont pris de la bouteille (avec cravate et tout et tout) et ça passe très bien. Comme quoi ! Patron, la même !