Résumé: Depuis toujours, la faim dirige les prédateurs et la peur tétanise les proies - mais cela est sur le point de changer. Rask et Kanaq, deux martres (qui ont la particularité d'être des prédateurs pour certains et de la viande pour d'autres), cherchent à se protéger des loups et des ours du monde. Ils bravent alors l'inconnu dans la forêt profonde en quête de sécurité. Le voyage est dangereux, mais son issue pourrait être pire encore. Leurs crocs font d'eux des étrangers et ils ignorent s'ils seront accueillis chaleureusement... ou par une effusion de sang.
L
es nuages noirs, lourds de menace, sont sur le point d'éclater. Il n'y a plus de temps à perdre pour Rask et son oncle Ranaq. Il leur faut à tous prix atteindre le lac où se trouverait le refuge de tous ceux qui, comme eux, les proies, vivent sous le joug des prédateurs de tous poils. Enfin, en espérant que le porc-épic n'a pas juste déguisé un beau mensonge en espoir vain. Mais les loups et les ours n'ont que faire de ces considérations utopiques. Eux, ils ont faim et le duo de martres semblent un repas tout indiqué...
Dans ce premier volume, Teagan Gavet initie le lecteur à la quête de deux êtres perclus de doutes certes, mais animés d'assez de courage et de volonté pour aller à l'encontre de leur atavisme. Ils ont décidé de risquer la mort pour vivre en paix et dans la sérénité plutôt que d'être en sursis permanent sous le règne de la terreur. Une équation simple pour un choix cornélien. Cette problématique apporte au scénario une profondeur bienvenue qui fait sortir l'histoire du cadre basique de l'aventure. Les animaux pensent, parlent, agissent et souffrent comme les humains. Cette personnification permet de toucher un plus large public et par la même, faire naître une réflexion chez les plus petits.
La jeune artiste vient de l'animation, il est donc logique de retrouver son expérience dans le graphisme. Les amateurs de Disney seront ravis grâce au dessin qui s'en inspire clairement. Des décors à la faune, les nombreuses planches muettes font la part belle à l'expressivité et au rendu cinématographique (la traversée de la forêt, la poursuite par les bêtes féroces, l'escalade périlleuse de la montagne). Les yeux font abstraction des lignes et des cases pour ne voir que le défilement de l'action et les émotions ressenties par les personnages. Les puristes reprocheront un aspect trop lisse, trop propre, presque aseptisé car il n'y a pas de style à proprement parlé, pas de "patte" personnelle de l'auteur. C'est beau assurément, mais peut-être trop parfait ?
Ce volet 'ouverture de La forge d'Oren (diptyque) jette les dés : sous la façade du joli divertissement se cache un récit sombre et cruel. Dans la jungle, tout peut arriver et l'irruption d'un troisième acteur pourrait faire pencher la balance. À suivre...