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n stade plein, un match de coupe engagé, un choc d’une violence inouïe, un mollet tout aussi sûrement brisé que la carrière de son propriétaire, un pugilat qui commence... le rideau tombe, changement d’époque. Retour sur un "avant" moins glorieux, celui du début des trois acteurs impliqués : François dans les Ardennes, Gabriel Ortiz à Buenos Aires et Bojan à Sarajevo.
Dès le début, l’ambiance est lourde et les couleurs manquent d'éclat. Mais ce n’est pas grand-chose par rapport à ce qu’augure le voile levé par le flash-back. Les teintes deviennent autrement plus sombres, et le contenu ne l’est pas moins. Bienvenue dans le probe univers qui précède, potentiellement, l’accès au haut niveau. Caricature ou réalité, ce qui est présenté n’est pas reluisant, et certains travers supposés du milieu sont clairement pointés du doigt. Un père irascible qui a sacrifié sa vie pour un rêve qu’il vit par procuration à travers son fils, un entraîneur qui n’hésite pas à inciter ses joueurs à jouer « musclé », un autre qui se comporte en dictateur, le tout servi par des dialogues machistes à l’avenant. Autour, les prédateurs (comprendre « intermédiaires ») font des cercles, avant de foncer sur leur proie et d’empocher au passage quelques juteuses commissions. Eric Castel est loin, les auteurs proposent une vision du milieu qui se veut résolument contemporaine. Chacun jugera de ce qui relève d’un certain réalisme ou se rapproche davantage de l’imaginaire collectif.
La construction est classique, avec une entame en forme de "clash" qui précède un passé qui devrait amener son lot d’explication. À l’avenant, les séquences propres à l’évolution des trois garçons ne se heurtent pas, le tout étant sagement découpé. En conséquence, la lecture de cet album est particulièrement fluide, à l’image des parcours assez attendus des étoiles montantes présentées. Si l’atmosphère « foot » est bien rendue, avec notamment une rencontre sous la pluie où la boue est l’invitée d’honneur, il est dommage que la gestuelle manque de dynamisme, avec régulièrement cette impression d’être en arrêt sur image. Sur ce point, le récent album de l’italien Davide Reviati, Etat de veille, où le foot est au cœur de toute chose, mais n’est pas le cœur du sujet, a une force évocatrice tout autre. Néanmoins, le caractère rugueux du dessin d’Ignacio Noé correspond sans doute plus au propos développé par ses compères qui œuvrent au scénario : Michel Dufranne et Stéphane Pauwels. Si le premier est un auteur qui a déjà quelques albums à son actif, le parcours du second a son intérêt dans ce qui est raconté, puisqu’il travaille concrètement dans le microcosme du ballon rond, notamment comme recruteur, mais aussi comme chroniqueur depuis 2006. Il amène donc la caution morale de celui qui officie à l’intérieur. Tant mieux pour les amateurs de football qui, à n’en point douter, y trouveront matière à plaisir. Pour les autres, c’est plus compliqué à affirmer, tant les possibilités d’évolution du scénario restent ouvertes à la fin de ce premier tome, ce qui est plutôt une qualité en soi.
Relativement académique dans la forme, Dans l’ombre des étoiles n’en est pas moins prometteur sur le fond. Le coup d’envoi de ce triptyque est bien donné. À suivre...