K
azuichi Hanawa est un esprit tourmenté, malade. Et les albums qui se succèdent ne font que renforcer le diagnostic : l'artiste souffre assurément de névrose obsessionnelle.
Dans la prison détaillait par le menu son séjour derrière les barreaux. La description quasi clinique des conditions de détention s’accompagnait d’un dessin minutieux, froid, scrupuleux. Rien, en revanche, sur ses compagnons de cellule, pas un mot non plus sur sa condamnation. Hanawa semblait se complaire en ces lieux qui l’invitaient à se replier sur soi, à puiser comme il l’avait toujours fait dans l’imaginaire et le moyen-âge japonais pour nourrir sa propre fantaisie. Là encore, il y a de quoi s’interroger sur la santé de celui qui signe Tensui, l’eau céleste, Contes du Japon d’autrefois et La fille fantôme. Si ces albums sont marqués de ce même souci maniaque du détail, on y retrouve aussi cette fillette potelée, à la naïveté confondante, qui semble hanter les planches de l’auteur et lui servir de témoin de moralité. Mais si les deux premiers titres s’abreuvaient de folklore bon enfant, le dernier se complaît dans la fange, le cloaque au sens freudien du terme. Outre la fascination pervertie pour les fèces, symptomatique d’une régression au stade anal, La fille fantôme fraie aux confins de l’ero-guro (l’érotico-grotesque), genre horrifique cher à Suehiro Maruo (La jeune fille aux camélias, Vampyre…) faisant la part belle au sadisme et autres déviations sexuelles. La fillette - et le lecteur à demi-fasciné avec elle - fera ainsi la rencontre de sorciers, d’un assassin jeté dans les fosses (septiques) de l’enfer, d’une femme-insecte ou même d’un zombie figurant Kazuichi Hanawa sur sa table à dessin…
Les errements de l’auteur sur la métempsycose et la transmigration des âmes en fin de volume peinent à rassurer quant aux chances de guérison alors même que la contagion guette.
Une œuvre déroutante, à réserver à un public averti.
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