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om part travailler comme coopérant à Djibouti, pour y intégrer le service culturel. Pour lui, tout est nouveau dans cette Afrique de l'Est dont il ne connaît que les descriptions que Rimbaud en a faites. Il laisse à Paris son amie, persuadé qu'elle viendra sous peu emménager avec lui et qu'ils découvriront ensemble la ville et le pays. Mais arrivé à Djibouti, les beaux yeux de Fikrie, sa domestique, le feront chavirer.
Le scénario de Fikrie n'est pas des plus compliqué, ni non plus des plus classiques. Il y a dans cet album une volonté de dire le vrai, de dire comment se passent les séjours des coopérants en Afrique, mais aussi de dire doucement la désillusion d'un homme qui a des idéaux parfois un peu trop beaux pour le monde dans lequel il vit. Joël Alessandra ne fait pas de concessions au romantisme ni aux légendes des ambassades, et c'est peut-être pour ça que son récit n'en est que plus poignant. Les chapitres entrecoupés d'extraits de poèmes d'Arthur Rimbaud adoucissent le propos, tout en faisant redécouvrir la voix d'un poète dont, à force de le magnifier, on a oublié qu'il n'était qu'un gamin ébloui par l'univers.
Travail au stylo, à la plume ? En tout cas, les personnages de Joël Alessandra sont abrupts et, ne seraient ces grands yeux miroirs des émotions et preuves d'un long travail sur le graphisme, on pourrait trouver son trait baclé. Les aquarelles des couleurs, elles, sont un plaisir des yeux, et montrent à l'instar d'Abdallahi que l'Afrique est particulièrement belle au pinceau. Certaines cases sont de véritables petits tableaux, et on ne louera jamais assez la simplicité et l'expressivité de la couverture.
Un très bon album de la Boîte à Bulles qui, à première vue, n'avait rien d'extraordinaire. Une belle surprise donc, comme on aimerait en avoir très souvent !