Résumé: Gwenaëlle Abolivier, écrivaine et journaliste à France Inter pendant 20 ans, a découvert lors d'un de ses reportages la carrière des fusillés de Châteaubriant. En 1941, 27 résistants y ont été exécutés, parmi lesquels Guy Môquet. En plus de la lettre adressée à ses parents, il avait écrit un billet doux à son seul amour, Odette Nilès, dont le récit est révélé ici par Gwenaëlle et Eddy Vaccaro.
I
l est essentiel que, dans un récit, le sujet soit précisément défini. Il peut y avoir des changements de perspectives ou des bifurcations. À la fin, il faut que les intentions des auteurs soient claires, et pas seulement louables. Sur le principe, il est impossible de douter que celles des auteurs de ce livre sont excellentes. La confusion du propos peut pourtant engendrer une frustration devant le déséquilibre de l'intrigue.
Le titre et le sous-titre ne laissent guère planer de doutes : La Fiancée, d'après la vie d'Odette Nilès, l'amoureuse de Guy Môquet. L'accent est clairement mis sur Odette. Dans un premier temps, elle s'impose comme une héroïne attachante. Cette fille de dix-sept ans, inspirée par sa famille militante communiste, s'engage très tôt dans la lutte contre l'occupant nazi. La Résistance n'en est encore qu'à ses balbutiements et il s'agit alors plus de manifestations et de dépôts de doléances que de sabotages et de maquisards. Les risques sont pourtant déjà énormes et la jeune femme se retrouve vite arrêtée et finit par échouer au camp de Châteaubriant, dans l'aile réservée aux détenus politiques. Jusqu'alors, le scénario propose une reconstitution historique intéressante des premiers mois de la Résistance en adoptant un point de vue original : celui d'une adolescente qui participe activement à ce combat.
Ensuite, le récit glisse progressivement sur la relation qui se noue entre Odette et le jeune Guy. Ils ne peuvent se voir qu'au travers d'une clôture, les prisonniers masculins étant à part. Ils ne sont plus des enfants mais ne sont pas encore tout à fait adultes. Une certaine gravité plane pourtant au-dessus de leur tête. À tout moment, ils peuvent être séparés, ou pire...
C'est à ce moment que les auteurs semblent perdre le fil de leur histoire. L'issue tragique est connue. La journaliste Gwenaëlle Abolivier et Eddy Vaccaro entreprennent alors de relater les derniers instants des fusillés de Châteaubriant. Le ton est digne et solennel. Il exprime une sorte de sidération qui fait écho à celle qui a certainement saisi les prisonniers lorsqu'ils réalisèrent l'inimaginable. Et de revenir sur Odette qui reçoit des mains d'un gardien une carte toute simple... les derniers mots que son amoureux a désiré lui transmettre.
Et ensuite ?
Rien.
Pourtant, le titre du livre laissait penser que c'était la vie d'Odette qui était au centre de l'intrigue. Clore ainsi le récit revient presque à la ramener au rang de simple faire-valoir. Il est vrai qu'elle n'est identifiée que comme la fiancée, donc associée à un homme. Une fois le fiancé disparu de l'équation, elle ne serait plus digne d'intérêt ? Il aurait suffi de quelques pages pour résumer la suite de son parcours, simplement parce qu'elle ne fut pas que la destinataire d'une carte, certes bouleversante de naïveté et de simplicité... Ou bien il ne fallait pas laisser supposer que cette bande dessinée lui était consacrée et repenser la narration pour tourner autour de son véritable sujet:
Les avis
Erik67
Le 24/01/2022 à 07:57:31
J'ai généralement une position de bienveillance vis à vis de tout ouvrage qui traite de la résistance en France durant la Seconde Guerre Mondiale contre l'inique gouvernement de Vichy à la solde des nazis.
Cela nous montre également qu'un gouvernement de type nationaliste est capable de faire des choses absolument misérables au nom d'une haine raciale qui va au-delà des frontières. De Gaulle et Pétain, ce n'est pas vraiment la même chose comme on voudrait nous le faire croire en revisitant l'Histoire. Il n'y a pas de bouclier et d'épée, n'en déplaise à certains polémistes éditionnalistes nationalistes.
Cette BD raconte l'histoire de jeunes gens à peine sortis de l'adolescence qui vont s'organiser et militer afin de tenir tête à la fois contre l'occupant allemand et le régime de Vichy du maréchal Pétain. Il y a incontestablement des valeurs de partage et de fraternité mais surtout beaucoup de courage dans les actes face à l'oppression. Je serai toujours admiratif vis à vis de ces personnes.
On intéressera plus particulièrement à la fiancée de Guy Moquet, ce garçon qui n'avait que 17 ans lorsqu'il a été fusillé le 22 octobre 1941 avec 26 autres prisonniers en représailles. C'est un jeune héros de la résistance française dont sa lettre d'adieu est resté célèbre par ses mots : « Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, Je vais mourir ! […] Certes j’aurais voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon cœur c’est que ma mort serve à quelque chose. […] ma vie a été courte, je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous. […] en vous embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage !». Comment ne pas être bouleversé par ces mots qui raisonnent encore dans ma tête ?
Odette Nilès ne fut pas seulement la petite fiancée de Guy Moquet dont elle a partagé la vie au camp de Choisel, à Châteaubriant, et qu'elle a vu partir à la mort avec ses camarades. C'était une vraie résistante qui a été arrêté car elle participait à une manifestation contre l'occupant. Elle révèle des facettes inconnues du jeune rebelle et des anecdotes assez émouvantes.
La BD est bien construite dans l'ensemble. On observera une narration claire qui ne fait pas dans le superflu ainsi qu'un dessin sobre et expressif à l'aquarelle. A noter également une excellente préface de l'auteure Gwenaëlle Abolivier.
Bref, c'est une biographie sur une femme âgée aujourd'hui de 98 ans. C'est un récit poignant qu'il faut garder en exemple en transmettant le flambeau de la mémoire. C'est quand même assez indispensable pour construire notre futur.