Résumé: À la Ferme du Manoir, les animaux en ont assez d'être maltraités. Le Major, cochon de son état, leur ouvre les yeux sur la tyrannie de l'Homme. Une fois le fermier banni, ils prennent leur destin en main et des règles sont édictées et rédigées par les cochons. La plus importante : tous les animaux sont égaux. Mais le temps passe et il s'avère que certains le sont plus que d'autres.
G
eorges Orwell décède en 1950. Soixante-et-onze ans plus tard, sa production tombe dans le domaine public, et le neuvième art s’en donne à cœur joie. En début d’année, les éditeurs ont présenté, presque simultanément, quatre visions de 1984. La ferme des animaux, l’autre œuvre phare de l’écrivain, a patiemment attendu le second semestre avant d’être livrée en trois versions. D’abord celle de Maxe L’Hermenier et de Thomas Labourot, qui en ont fait un conte pour enfants, puis la proposition, très picturale, d’Odyr. La collection Ex-Libris de Delcourt ferme la marche avec un projet fidèle au texte, à savoir une critique du régime soviétique avec en creux une dénonciation du totalitarisme sous toutes ses formes.
Il y a peu à dire sur l’adaptation de Rodolphe, sinon que le scénariste semble un peu à l’étroit dans un format le contraignant à contenir le tout en quarante-six pages. L’auteur reprend scrupuleusement les principaux éléments du roman, mais le lecteur ne ressent pas le glissement progressif de la démocratie à la dictature ; tout va trop vite. Il manque ces histoires parallèles et ces bribes de discussion qui, sans être essentielles, renforcent le propos et fluidifient le déroulement de l’action.
Patrice Le Sourd propose pour sa part un dessin semi-caricatural joli, quoiqu’un tantinet enfantin. Les plans, variés, dynamisent l’ensemble et soutiennent bien la narration ; peut-être l’illustrateur aurait-il gagné à approcher davantage sa caméra des personnages pour souligner leurs émotions. La colorisation de 1ver2ânes repose essentiellement sur des teintes pastel, en dissonance avec un discours plutôt sombre.
Pour rappel, 2021 a commencé avec les partisans de Donald Trump prenant d’assaut le Capitole. À la fin de l’été, les talibans ont infligé leur théocratie en Afghanistan. Sans oublier la Chine imposant brutalement sa loi à Hong Kong et Taïwan, puis un Vladimir Poutine renouant avec l’esprit des soviets. Bref, les potentats ont le vent dans les voiles, Monsieur Orwell doit se retourner dans sa tombe et la réédition de ses écrits reste malheureusement nécessaire.