Résumé: Un étrange personnage amnésique s’extirpe d’un bois sombre, une femme derrière sa fenêtre épie son retour et un vieil homme monologue sur leurs secrets communs, chacun questionnant la vie et les actes des autres. Un meurtre dissimulé, un atelier de sculpteur peuplé de fantômes, du théâtre de foire, une passion dévorante, la nuit. Voilà le décor planté pour ce nouvel ouvrage de Vincent Vanoli chez 6 Pieds sous terre.
Dans une ambiance proche du cinéma expressionniste, dont il est grand adepte, Vincent Vanoli propose un polar nocturne et rétro, aux teintes blafardes et empreint de fantastique, mettant en scène une passion amoureuse et criminelle entre un inquiétant sculpteur et ses modèles. La présence, en voisin voyeur, d’un vieil homme semblant tirer les ficelles du drame qui se noue et s’exprimant à la place des amants, mimant leurs questionnements, ajoute une dimension étrange à l’atmosphère pesant sur les personnages. En creux, l’auteur nous parle de l’acte de la création, de donner la vie comme de donner la mort, de donner sa vie pour nourrir l’inspiration, comme exutoire à un quotidien morne et routinier, ou plus personne ne s’appartient.
Le traitement toujours aussi travaillé de Vanoli est réellement réussi. On a toujours affaire à des lavis de noir et gris à l’encre, ici rehaussés de blancs et de bleu à la gouache.
Le bleu a d’ailleurs une part importante dans l’histoire, comme pour matérialiser l’acte de création, la création elle-même et sa vanité, la réalité et l’illusion.
On est dans la référence affirmée à l’expressionnisme allemand, mais aussi au polar Hitchcockien (Fenêtre sur Cour).
Comme souvent avec Vanoli, la lecture mérite des allers et retours, pour bien apprécier un détail qui aurait pu nous échapper auparavant.
L’acte de créer est ici vécu comme une sorte de schizophrénie, où l’artiste semble se dédoubler, jusqu’à oublier le pire dans une forme de déni.
Un bon Vanoli, auteur singulier s’il en est !