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ean-Paul Eid est surtout connu pour son personnage de Jérôme Bigras, protagoniste d'albums conceptuels à l'humour burlesque. Mais voilà qu'il abandonne la caricature pour raconter un drame familial où s'entremêlent deux récits. Il y a d'abord l'histoire de Rose, figure de proue d'un ensemble de trois musiciens qui tire le diable par la queue alors que meurent les boîtes de jazz montréalaises à la fin des années 1950. Les comparses se rendront à New York, puis à La Havane où le trio se désagrégera en pleine tourmente révolutionnaire.
Parallèlement et par petites touches, les auteurs présentent Victor Weiss, professeur d'anthropologie à Paris 8. L'enseignant est interpellé par la CIA qui lui apprend que ses restes ont été retrouvés dans les ruines des tours du World Trade Center. Ce sera pour lui le début d'une quête identitaire qui l'amènera de Paris à New York, puis jusqu'à l'arrière-pays québécois où il renouera avec des racines jusqu'alors inconnues.
Le rythme, un peu lent, donne aux auteurs le temps de bien installer l'action. Le dessinateur fait confiance à ses illustrations et n'hésite pas insérer de longues successions de cases muettes aux allures de plans-séquences. S'appuyant sur la convergence d’éléments en apparence disparates, le récit séduit par sa construction habile.
Les boites de jazz du siècle dernier ont inspiré Jean-Paul Eid, avec un changement complet de style à la clé, et ça lui réussit.