Résumé: Dans la mégalopole tentaculaire de Lagos, au Nigéria, Adedola est ce que l’on appelle un « Area Boy » : ces petits voyous des quartiers pauvres prêts à vous trouer la peau pour quelques dollars américains. Son quotidien ultra-violent ne connait de répit que lorsqu’il rend visite à son grand-père, avec qui il partage son amour pour la musique de Fela Kuti, le chantre de l’Afro Beat. Ensemble, ils discutent pendant des heures de la vie du « Black President » et son combat, aussi bien musical que politique, pour le destin du peuple nigérian et africain. Mais le jour où son grand-père meurt, Adedola bascule dans une spirale autodestructrice. On le prétend possédé, prêt à être exorcisé par un pasteur dans l’une de ces cérémonies où l’on fait ingurgiter de l’acide aux jeunes pour les purifier… Atrocement brûlé, Adedola est finalement laissé pour mort dans l’une des immenses décharges de la ville. Mais dans les limbes, il entend retentir le saxophone de son idole… Visité par l’esprit de Fela, Adedola retrouvera la vie, mais pas comme un Zombie : prêt à reprendre la lutte là où son maître l’a laissée !
A
dedola ne rêve que d'une chose : fuir Lagos et les gangs pour vivre chez son grand-père avec sa mère. Là-bas, il pourra écouter les histoires de son aïeul et jouer du saxo. Mais avant, il a besoin d'argent et doit éviter de se frotter de trop près au pasteur Powell de l'église Omega Fire.
Pour les amateurs de musique et d'Afrobeat mais aussi de l'histoire du Nigeria, Fela Kuti n'est pas un inconnu. Passé à la postérité pour son engagement autant que pour ses albums, l'artiste reste encore aujourd'hui une figure de la lutte contre la corruption et le combat pour le droit des plus pauvres. Après s'être intéressé au peuple turc au travers du diptyque Jeu d'ombres et surtout Le père turc Loulou Dédola revient à ses premières amours. Retour sur les terres africaines où il imagine une intrigue sombre, mâtinée de mysticisme. Décrivant avec talent l'urgence et la violence des rues de Lagos, le scénariste se sert du grand-père, ancien bras droit du musicien décédé, pour tisser un lien entre passé et présent. Obscur au départ, la résonance entre les deux époques prend tout son sens grâce à l'introduction des Orisha, offrant au passage au dessinateur Luca Ferrara l'occasion de varier son style en passant de compositions au trait dynamique et à l'encrage marqué à un graphisme plus rond et à une mise en page osée et plus coloré.
Tournant au thriller urbain, entre mafia, milice et leader religieux corrompu, la trame accélère dans sa seconde moitié. Peut-être un peu trop pour permettre une pleine immersion. Les passages avec les divinités yoruba auraient mérité plus de place pour ne pas noyer le lecteur sous les informations ou le perdre. Une mise en contexte plus étendue permettant d'accepter cette dose de surnaturel aurait été bienvenue. Surtout que les personnages principaux sont, eux, bien développés et ajoutent une plus-value à l'intrigue.
Mêlant folklore nigérians, icône populaire, politique et musicale et violence urbaine, Fela is back to Lagos met en lumière les difficultés d'un peuple, mais aussi une des figures de son histoire. Un peu rapide dans son déroulement, l'album reste prenant et joliment mis en images.