Résumé: Orpheline, Constance est élevée par ses grands-parents, dans une maison bourgeoise de la Brie, à l’écart du monde. Le grand-père écoute Gustav Mahler dans un fauteuil, un verre à la main, maudissant le sort qui s’est abattu sur la famille il y a bien longtemps. Un sort qui a fait de lui un lâche et a poussé sa femme, qu’il hait, à punir et à battre cet enfant pour la moindre peccadille, et surtout à l’habiller en fille de bonne famille, alors que Constance est un garçon...
C’est à l’arrivée des nouveaux gardiens de la maison et de leurs deux enfants, que Constance va découvrir sa sexualité et s’insurger contre les règles établies.
Matthias Lehmann campe son histoire dans les années 1970, entre l’éclosion des grandes surfaces, des policiers à képi et Giscard qui s’invite à dîner chez les braves gens.
C
onstance n’a plus de parents. Alors, elle vit avec son pépé et sa mémé. Lui, une vie pleine de contrariétés l’a rendu misérable. L’alcool l’aide à se résigner. Elle, la frustration en a fait une femme aigrie, acariâtre et violente. Le tableau est peu reluisant, et le cadre de la maison, dont la jeune fille ne peut sortir, bien trop étroit pour permettre à un enfant de s’épanouir.
Entre punitions et restrictions, enfermement et tentatives d’évasion par l’imaginaire, Constance tente d’aller de l’avant. Difficile quand les seules sources d’éducation sont les lectures imposées par la grand-mère et les cours qu’elle lui dispense dans l’enceinte de la vieille demeure, signe d’un patrimoine qui s’étiole. Fille de substitution, la pauvrette l’est assurément, elle qui doit vivre dans l’ombre d’Éléonore, son aînée couronnée de perfection qui périt et laissa un vide dans la famille alors qu’elle était encore petiote. Son portrait en habits de communiante, qui trône dans la bâtisse, fait peser sur les épaules de l’héroïne un poids impossible à supporter. Elle ne sera jamais à la hauteur ; c’est évident.
Tout autour d’elle, il y a travestissement de la réalité, comme si, en définitive, il fallait surtout sauver les apparences ; celle d’une richesse passée, d’une maisonnée bien tenue, d’une cohésion de façade pour une famille qui, en fait, se déchire. Prendre ses désirs pour des réalités, l'aïeule sait le faire. Accepter la différence, c’est autre chose. Derrière cette fuite se cachent bien sûr des souffrances, mais aussi le refus de voir le monde tel qu’il est. L’aliénation des corps et des esprits fait son œuvre, avec à la clé un sentiment de perte d’identité, de flou qui entoure un avenir incertain dans un monde que l’on aimerait croire figé.
Page après page, Matthias Lehmann crée un vrai petit théâtre où triomphent l’esprit de clocher et la politique de comptoir, où chacun essaie malgré tout de se faire une place. Avec ce dessin qui rappelle les gravures d’antan et ces planches aux constructions éclatées, il propose de fait une succession de tableaux, de pans de vie qui, ensemble, forment une destinée morcelée, chahutée. L’espoir, en dépit de toutes ces avanies, reste présent pour cette petite fille qui ne veut qu’une chose : la délivrance.
La preview
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 23:04:36
Il n’y a rien de pire que la maltraitance des enfants, ces petits êtres innocents qui peuvent être souillés par la méchanceté des adultes. En l’occurrence, on fait la connaissance d’une petite fille d’aspect et de sa grand-mère plutôt acariâtre qui n’hésite pas à la battre avec son martinet ou la mettre au grenier sans la nourrir. Le décor est planté d’emblée dans cette vaste demeure bourgeoise au cœur de la France profonde. On va alors entrer petit à petit dans la psychologie de ce petit personnage qui essaie de vivre dans les limites qui lui ont été fixé.
Et puis, il y aura le choc d’une première révélation. Puis, cela ira en crescendo afin de distiller l’horreur de la situation. La fin dévoilera tout et la lecture deviendra plus pénible émotionnellement pour peu qu’on s’intéresse au sort des enfants. Fort heureusement, il y aura des moments plus comiques comme l’apparition d’un certain président de la république adepte des au-revoir et qui n’hésite pas à s’inviter à la table des français moyen.
Le procédé graphique utilisé est celui de la carte à gratter. Depuis les œuvres de Thomas Ott, j’aime beaucoup. Cela colle d’ailleurs à merveille avec la noirceur assumé de ce récit. On ne regardera plus les personnes âgées de la même manière. Le mal peut se cacher partout.
Le titre intrigue un peu. Après cette lecture, on se rend compte que finalement, ce n’est peut-être pas aussi bien que cela d’être le favori. On peut en payer le prix. Au final, cela sonne comme un fait divers qui s’est sans doute déjà produit. L’auteur a réussi un tour de force avec cette œuvre intensément psychologique et qui parait presque authentique. La dernière page tournée, on est encore sous le choc.
pattt
Le 16/12/2018 à 18:12:30
La chronique semble avoir été écrite par quelqu'un qui n'a lu que les premières pages de l'album.
Dans la BD, l'auteur présente finalement l'histoire comme réellement survenue dans les années 70.
La tentative de rendre compte des tourments de l'enfant est assez réussie et les dessins souvent saisissants. On remarque aussi quelques maladresses (comme l'insistance sur la part de responsabilité du grand-père – évidente – et le lien suggéré avec son homosexualité réprimée...).