L
’immeuble dans lequel vit Jacques, avec ses sept appartements et autant de structures familiales, a un petit air d’arche de Noé. Dans ce train-train joyeux, fait d’apéros et de petits arrangements entre voisins, tout ce petit monde vit en harmonie, surtout les adultes. Les enfants, eux, vont et viennent entre les étages dans un maelstrom incessant, mais naviguent aussi entre des parents qui n’habitent pas à la même adresse. L’équilibre de cette parenthèse idyllique a quelque chose de précaire.
Jacques Braunstein, déjà scénariste des Week-ends du père célibataire, n’en est donc pas à son premier coup d’essai pour discourir sur un thème qu’il semble affectionner. Cependant, plus qu’une étude approfondie, il s’en tient à effleurer divers aspects du sujet, prétexte à de régulières digressions sur des lieux communs. Cela s’accommode plutôt bien avec le ton léger qui prédomine quand il évoque les petits travers de la tribu « bobo » au sein de laquelle il ne dépare pas. Mais cette distance quasi-systématique face au quotidien, certes amusante, se révèle un brin agaçante à la longue, quand bien même elle est largement assumée. Chacun verra midi à sa porte. Seule dérogation à ce qui pourrait paraître pour de la désinvolture, des certitudes qui s'effritent face à la confrontation de la génération en devenir avec à ce micmac familial.
Famille, recompose-toi ! s'appuie sur une écriture légère qui allie simplicité et rythme. L’auteur s’est fait plaisir et ça se ressent. Ce fourmillement d’idées donne parfois lieu à des séquences exploitées avec bonheur, il en va ainsi du chapitre intitulé « 24 heures dans la vie de l’immeuble » et des apparitions furtives de madame Amélie, personnage quelque peu incongru dans le décor. Cela donne une lecture agréable où l’alternance de textes dactylographiés et de dessins avec bulles n’altère en rien la fluidité de la narration. Cette tranche de vies est servie par le trait folâtre et tout en courbe de Domitille Collardey qui, à l’unisson de l’ambiance du récit, s’attache à retranscrire l’essentiel. Seul bémol, concevable dans ce contexte où les protagonistes se croisent et se recroisent : des faciès qu’il est parfois difficile de distinguer. L’occasion de quelques retours en arrière pour s’assurer que…
Distrayante, cette bande dessinée ne s’attarde pas sur les difficultés des familles décomposées, voire au contraire, se délecte de cet état comme "en apesanteur". Pour combien de temps ?