S
ix ans après Deuxième génération, album dans lequel il racontait son enfance belge marquée par un père survivant des camps de concentrations, Michel Kichka embraye sur la suite de sa vie dans Falafel sauce piquante. En 1974, à vingt ans, il décide de faire son alyha ; il quitte sa Liège natale et s’envole vers Israël. Même s’il a été élevé dans la tradition juive, le choc culturel est immense pour ce jeune homme athée qui est devenu depuis un des fers de lance du mouvement Cartooning for peace et un militant acharné pour la paix et la tolérance.
Outre beaucoup d’humour et d’amour pour son pays d’adoption, le scénariste n’a cesse de présenter des anecdotes, des rappels historiques et de petits détails souvent surprenants. Le lecteur suit Michel dans sa découverte des particularités parfois étranges de cette société qui semble coincée entre modernité et respect des coutumes millénaires. Comme lui dit sa tante Paula : « En Israël ce que tu vois n’est pas toujours ce que tu crois ! ». Cette morale sera moult fois confirmée au fil des années.
À ce récit grandement autobiographique, Kichka a ajouté une description lucide de la société israélienne. Comment d’une nation de pionniers et de survivants, elle est devenue un territoire en guerre permanente. Comment les espoirs de paix se sont évaporés sous les bombes des terroristes de tout bord. Le point de non-retour ayant été atteint le quatre novembre 1995 lors de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Malgré tout optimiste, l'auteur s'en remet finalement au bon sens et aux générations à venir, celle de ses petits-enfants tout particulièrement.
Oscillant en permanence entre trivialité et gravité, d’une diversité narrative impressionnante, Falafel sauce piquante est une porte d’entrée amusante et pertinente pour mieux comprendre ce nœud gordien de la géopolitique mondiale.