Info édition : un reportage photo de 10 pages par Maxence Emery, plus une interview sur 8 pages de Alain Gresh journaliste. Couverture souple a rabat.
Résumé: Camp de réfugiés d’Aïda, Cisjordanie, été 2008. Mahmoud Abu Srour est un jeune Palestinien de 22 ans, qui survit en tenant une petite épicerie. Il s’évade par le dessin et ses lectures, captif d’une immense prison à ciel ouvert : toute la Cisjordanie est une nasse sans issue, cernée par unmur presque infranchissable de
700 kilomètres de long… Son sésame pour une autre vie rêvée : Audrey, une jeune française de 19 ans, venue en Palestine pour comprendre ce qui s’y passe. Mahmoud en est amoureux, et espère la séduire en lui proposant de passer deux jours dans sa famille, chez sa soeur installée dans une ville israélienne toute
proche.Mais pour concrétiser ce projet tout simple, il faut défier les règles et prendre de gros risques, au nez et à la barbe de soldats israéliens en état d’alerte. Il faut faire le mur...
À
22 ans, Mahmoud Abu Srour n’a pour tout horizon qu’un mur. Une ligne sinistre longue de sept cents kilomètres qui étouffe ses rêves et morcelle son cœur, comme son pays et son peuple. Dans le camp d’Aïda, en Cisjordanie, le jeune homme ne mesure que trop ce que lui et les siens ont perdu, ce à quoi ils sont réduits. Il s’évade grâce aux dessins qu’il crayonne sur un vieux cahier et grâce aux figures féminines qu’il croise. Parmi elles, il y a Audrey, une Française venue en Palestine pour en toucher la réalité au plus près, à laquelle il propose de rencontrer sa sœur, de l’autre côté du mur. Mais, tandis que son invitée se rend sans peine dans les territoires occupés, Mahmoud doit s’y faufiler tel un voleur et risquer d’être arrêté par les soldats israéliens. Une échappée dangereuse et lourde de sens, qui, si elle n’est que curiosité pour Audrey, cristallise pour lui une réalité par trop amère.
Après Hosni et Les chemins de traverse, Maximilien Le Roy revient avec un nouvel album engagé. Il s’agit avant tout d’y laisser la place à un témoignage, poignant, frappant, celui de Mahmoud Abu Srour, un jeune Palestinien en mal d’avenir, dont la solitude, la colère, le désespoir et la soif d’espérance peuplent les pages avec force et justesse. Sentiments à fleur de peau, aussi palpables que le rempart qui se dresse telle une cicatrice purulente, et réflexions teintées d’amertume se révèlent à travers la voix-off omniprésente du principal protagoniste. Les souvenirs affleurent autant que les dénonciations d’une situation quotidienne sombre et d’une méconnaissance internationale blessante.
Sous la plume de l’auteur, Mahmoud reproche les amalgames faits en Occident entre son peuple et les terroristes. Il s’interroge et nous interroge sur notre désintérêt, nos ignorances, notre préférence pour les explications faciles plutôt que pour le décorticage d’une vérité compliquée. Et c’est bien là l’un des intérêts de ce one-shot. Il met le lecteur au pied du mur, demande qu’il se penche sur la question. Les lacunes sont palliées en partie par quelques cartes, bien utiles pour avoir un aperçu de l’évolution de la répartition territoriale de cette partie du monde, et quelques remises en contexte permettant de mieux suivre le propos. S’y ajoutent, pour surplus de substance et d’informations, un reportage photographique de Maxence Emery, un entretien avec Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique et spécialiste du Proche-Orient, ainsi qu’une sélection de clichés retraçant l’existence de Mahmoud.
Pour accompagner le verbe, Maximilien Le Roy a choisi le crayon et un trait réaliste qui transmet au mieux émotions et constats. La mise en couleurs kaki rappelle l’uniforme et semble imprégner l’environnement de ses ternes nuances, tout en s’agrémentant ça et là de touches colorées plus vives, le roux d’une chevelure cédant le pas devant le rouge sang d’un massacre ou la reprise de Guernica. Parfois, lorsqu’affleurent les souvenirs, le blanc envahit les feuillets pour qu’y surgissent du passé les silhouettes noires des personnages.
Récit militant d'une expérience vive, Faire le Mur ne laisse pas indifférent. Il touche et suscite des questionnements, auxquels on aimerait bien répondre autrement qu'Audrey dont la curiosité satisfaite, mais parée d'œillères, se contente de platitudes et d’un « Au fait, t’es bien rentré de Beer-Sheva, l’autre jour ? »...
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 15:45:52
Faire le mur est l’une des premières bd qui aborde la question palestinienne en me montrant leur point de vue. Il est vrai que jusqu’à une période récente, abreuvés par les médias occidentaux, je croyais naïvement que c’était des terroristes qui voulaient détruire l’état d’Israël. Je ne voyais qu’un monde bipolaire : les méchants contre les gentils. Durant la Seconde guerre mondiale, c’était même très facile de faire ce partage manichéen. De même pendant la guerre froide. Et puis et surtout, les juifs avaient bénéficié de la compassion mondiale liée à la découverte de l’holocauste. Tout le monde avait marché …
Cette lecture n’aura pas été inutile car elle ouvre véritablement les yeux sur ce conflit qui s’éternise depuis plus de 60 ans. Actuellement, la population palestinienne est brimée et parquée autour d’un mur honteux censé protéger des colons. Le mot est lâché : il s’agit bien d’un vaste programme de colonisation. Quel serait alors le prochain stade ? L’extermination de tout un peuple ? Il est vrai que depuis quelques temps, la position des gouvernements occidentaux s’est infléchie. Ce n’est manifestement pas assez pour éviter cet apartheid d’un nouveau genre.
Alors, oui, j’aimerais vivre sur une planète responsable qui éviterait toute forme de conflit. Cela serait le meilleur des mondes. Il faut bien admettre que cette utopie n’existe malheureusement pas. Faut-il alors bien choisir son camp pour ne pas se tromper ? Certainement. Une autre attitude consisterait à les renvoyer les uns comme les autres le dos au mur. Etant moins mâture, j’en avais marre d’entendre parler du Moyen-Orient à la TV ou à la radio. Cela m’harassait littéralement. Je me disais qu’en France, juifs et arabes arrivaient bien à vivre ensemble dans une apparente harmonie, pourquoi cela ne serait-il pas le cas là-bas ? Alors, peut-on mettre sur le même pied d’égalité oppresseur et opprimé ? Je ne le pense pas. Cela serait une manière d’éviter de voir le problème en face et de préférer la fuite en ne prenant pas position. Cependant, il faut toujours avoir en tête qu’un opprimé peut se révéler un jour un puissant agresseur. Rien n’est facile en ce bas monde.
Et puis, il ya ce mot qui cache bien des réalités différentes : terroriste. Depuis un certain 11 Septembre, il y a eu une croisade à travers le monde pour faire la chasse aux terroristes. Du coup, les Etats ont utilisé ce mot pour mâter toute rébellion qui était gênante pour la pérennité de leur régime. C’est encore le cas de nos jours avec toutes les dictatures à travers le monde. Un terroriste tue aveuglément des civils. C’est ce qu’on leur reproche essentiellement. Cette bd va nous apporter des éléments de réponse même si le postulat de base demeure le fait qu’on doit condamner toute forme de terrorisme. Encore une fois, on n’est pas dans le meilleur des mondes !
Je dois bien avouer que la démonstration a été plutôt convaincante. Je ne me transformerai pas en combattant de la liberté pour autant, rassurez-vous ! L’œuvre est plutôt mal dessinée mais ce n’est pas ce qui compte en l’espèce. Il y a une narration qui nous prend tout de suites par les tripes et qui nous emmène sur un terrain insoupçonné. J’ai essayé de croire que cela se voulait objectif. Cela ne sera pas le cas notamment pour certaines affirmations qui sont fausses après vérification.
Cependant, le témoignage de ce jeune palestinien est touchant car il ne fait pas dans la charité ou la compassion à deux balles. J’ai eu la vision qu’avec des gens de bonne volonté des deux côtés, il était possible de construire une paix durable dans un Etat qui les engloberait en respectant leur particularisme et leur culture. A mon sens, la fausse route a été de croire qu’une même terre pouvait regrouper deux Etats différents. On peut toujours avoir de l'espoir d'un monde meilleur ! Cette oeuvre y contribue en tout cas !