L
es habitants de l'île Damanuestra vivent en autarcie sous la dictature du terrible Oscar Lazo. Mais depuis que Face de Lune, le dompteur de vague muet, a fait son apparition, rien ne va plus et le désordre le plus total s'est installé : c'est la révolution !
En 1992, débutait Face de lune avec la cathédrale invisible. Une série comme seul Alexandro Jodorowsky en a le secret. Un univers complexe dominé par des pouvoirs politico-religieux oppressants et omniprésents. Une histoire dense, aux multiples ramifications. Sa collaboration avec le surdoué François Boucq est la cerise sur le gâteau. Quelle que soit la scène, son dessin ne semble pas connaître de limites et quand on connaît l'imagination débordante de Jodorowsky, on ne peut que se dire qu'ils se sont bien trouvés ! Bref, un premier tome prometteur, vivement la suite !
Très longue attente...
1997, le tome 2, la pierre de faîte, sort enfin. Il est réconfortant de constater que les auteurs ont conservé leur panache. La tension est à son comble, tout explose. Il ne reste plus qu'à attendre le tome suivant censé conclure la série et donner un sens à tout ça.
Très longue attente...
Pas de nouvelle... La série serait-elle avortée ? Probablement, les auteurs collaborant sur Bouncer, une nouvelle série.
Très longue attente...
2003, à la surprise générale, le retour de Face de lune est annoncé ! Sorties imminentes dans une nouvelle maquette des tomes 1 et 2, 3... et 4. Mais que se passe-t-il ??? C'est à n'y plus rien comprendre ! En fait les deux premiers tomes d'origine ont été divisés en deux et réédités. La fin n'est donc pas pour tout de suite mais on se dit qu'elle va peut-être finir par arriver un jour...
2004, sortie du tome 5, L'Oeuf de l'Âme, qui jouera le rôle de tome 3 pour les lecteurs de la première heure. Excitation et anxiété sont au rendez-vous... Hélas, dès la lecture entamée, c'est la déception. La magie n'opère plus, l'histoire jusqu'alors si dense et complexe devient vide et sans intérêt. Des engins spatiaux surgissent, Face de Lune se découvre des pouvoirs d'homme élastique, c'est consternant. Même le dessin manque d'audace et transpire une absence certaine de motivation.
Une telle conclusion ne parvient qu'à nous faire oublier l'enthousiasme qu'on pouvait jusqu'alors montrer pour cette série. C'est à se demander si on n'aurait pas préféré qu'elle ne soit jamais terminée...
Les avis
ArvoBlack
Le 29/06/2025 à 21:55:22
"Face de Lune" propose une dystopie sur fond de course au pouvoir entre les aristocrates religieux, les pouilleux anarchistes venus des égouts et le contre-ordre religieux (secte) suite à des histoires de familles. Peu habitué aux scénarios de Jodorowsky, j'en découvre ici toute la créativité, mais aussi l'étrangeté : par les dialogues, par l'extraversion des personnages, par cet univers-bidonville du futur loin d'être des plus chaleureux. Heureusement dans ce méli-mélo apathique, le personnage de Borrado (alias "Face de Lune") saura maintenir la beauté et le mysticisme dont la série a besoin pour s'élever.
Avec une introduction efficace et une présentation de l'univers de l'île de Damnuestra dans le T1 (soit T1 et T2 dans la nouvelle édition), le T2 (soit le T3 et T4 dans la nouvelle édition) s'assoit sur les acquis du premier pour proposer le meilleur tome de la série tant les pièces du puzzle se résolvent superbement et finissent par créer un univers cohérent.
Le T3 (T5 nouvelle édition) pose la dernière pierre (de Faite), malheureusement de manière beaucoup plus maladroite que ses prédécesseurs. De genre fantastique, le dernier touche plutôt au "Heroic Fantasy" avec des libertés narratives qui cassent l'enjeu, le message et la force de "Face de Lune". C'est surtout la non-résolution d'une partie de l'intrigue (le pouvoir religieux en place) à la fin de la série qui ne permet pas à celle-ci de briller. D'autant plus que la lecture du dernier tome se lit très rapidement, il n'est pas du tout sur le même rythme que les tomes précédents.
Le dessin de Boucq, grâce au scénario de Jodorowsky, s'exprime pleinement avec de belles séquences et mouvements, son trait se mélange a cette anarchie avec brio, en laissant place à des personnages détonants, dégoutants, pervertis, tout sauf placides, avec des traits et rides qui les rendent usées par le temps, une oligarchie puante qui possède l'arme nucléaire grâce à l'élément Totrane et dissuade de la rébellion du bas-peuple. L'univers dépeint est aussi très réussi avec des paysages détaillés qui habillent l'atmosphère fantastique et dystopique ; c'est notamment la cathédrale, qui imite l'actuelle "Notre-Dame de Paris" qui impressionnera par son détail et donnera une dimension mystique supplémentaire à l’œuvre.
Une dystopie diversifiée qui tire son originalité avec ces personnages extravertis et haut en couleur, dommage pour le dernier tome qui ne boucle pas complétement cette série explosive.