Résumé: Lyon, 1869. Camille travaille dans une filature de soie, où elle endure des journées de 12 heures pour un salaire dérisoire. Entassées dans des logements insalubres, mal nourries, les ouvrières exigent une augmentation et de meilleures conditions. Face au refus des patrons, elles entament une grève générale qui marquera un tournant dans l'histoire sociale des femmes et des luttes ouvrières.
L
yon, 1869. Exploitées, affamées, à bout de force, les ouvrières des filatures lyonnaises osent l’impensable. Elles décident de se mettre en grève ! Trente ans après la première révolte des Canuts, l’idéal socialiste a pris de l’ampleur en Europe et les inégalités sont de plus en plus voyantes. Le moment des revendications est donc arrivé. Pendant deux mois, les courageuses "ovalistes" ou fileuses vont tenir tête aux patrons et aux autorités pour un peu de reconnaissance et d’humanité. Un simple sursaut rapidement maté ou l’annonce de jours meilleurs ? L’Histoire jugera. En attendant, tout le monde dans la rue !
Auteur engagé avec des titres tels que Mémoires d’un ouvrier,Viva l'anarchie ! ou Dolorès, Bruno Loth remonte de quelques années et raconte ce qui est considéré comme la première grève féminine dans La fabrique des insurgées. Pour nourrir cette évocation, il a imaginé une brochette de personnages représentatifs et les a mêlés à des personnalités existantes. La misère endémique, l’exode rural, les usines-bagnes où les petits chefs font régner la terreur, le sort réservé aux femmes et aux enfants, etc., le scénario est direct et, sans être à charge, limpide sur la situation des travailleuses à l’époque. De plus, une multitude de petits détails permettent de renforcer le ressenti de ces temps difficiles. L’anecdote, par exemple, où ces dames réalisent qu’aucune d’entre elles ne savent écrire et qu’elles sont obligées de s’en remettre à un homme afin de dresser la liste de leurs demandes apporte un éclairage aveuglant sur la réalité sociale ambiante.
La narration très classique est soutenue par une reconstitution générale (machineries, costumes, etc.) d’une excellente tenue. Didactisme de rigueur, quelques moments tire-larmes et un fond militant totalement assumé rendent la lecture agréable. Pour les curieux, il est intéressant et pertinent de compléter l’ouvrage avec Fileuses de soie de Sylviane Corgiat, Bruno Lecigne et Jean-Côme (La boîte à bulles, 2024). Ce récit très comparable dans sa forme se penche avec une attention similaire et une même rigueur sur le sort des actrices de l’étape précédente de la production des soieries.
Page d’Histoire narrée sans fard, avec la bonne distance critique, La fabrique des insurgées met de l’avant un épisode méconnu du long combat pour l’égalité des sexes et de la lutte des classes.
La preview
Les avis
Arkadi
Le 30/08/2025 à 13:58:03
Elles sont rares ces narrations qui racontent la lutte de classes dans une période ou l’ouvrier devait se défendre bec et ongle pour éviter la pauvreté absolue. Et elles font du bien à la mémoire collective.
Et Bruno Loth raconte si bien ce devoir de mémoire qui permet de savoir d’où l’on vient pour connaitre ou l’on va. Ici, l’auteur raconte un combat ayant eu lieu en 1869 par les ouvrières de Lyon. Le coup de crayon est à la mine HB et j’aime beaucoup. Il y a de la naïveté enfantine dans ce choix là qui dénote avec le fond. Comme si ce temps n’était plus. Comme si l’histoire est dans un cahier à spirale. Très joli.
Sauf que non. Le fond raconte la misère, la paupérisation, l’impossibilité des lendemains qui chantent au travers de certains nombres de personnages plutôt caricaturaux mais sympathiques et attachants. Certes l’auteur raconte cette petite histoire oubliée d’ouvrières dans l’histoire de France avec un classicisme de bon aloi. Mais Bruno Loth veut d’abord raconter ce qui fut vraiment avant de raconter une histoire…alors comment aurait-il pu faire autrement ?
Certes, la narration est cousue de fil blanc. Sauf que Bruno raconte les injustices et les destins de ces femmes qui, malgré une grève juste (la toute première visiblement de notre histoire), vont tout perdre jusqu’aux fruits de leurs luttes. L’auteur raconte les inégalités, les tromperies d’une société patriarcale, les injustices absolues de procès iniques. L’auteur raconte ainsi la vraie vie de celles qui ont luttaient et, parce qu’elles ont luttés, ont tout perdues. Déjà qu’elles n’avaient pas grand-chose avant….
Cette BD est donc d’utilité publique. Elle est nécessaire pour celles et ceux qui veulent comprendre le monde et cherchent dans les détails de l’histoire. Alors, on met de côté l’académisme de la narration, pour foncer dans sa lecture et, ainsi, un peu mieux comprendre le monde (et profiter aussi d’un mignon coup de crayon) ….