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andis que les habitants de Fableville, désormais dirigée par le Prince Charmant, s’apprêtent au combat contre les forces de l’Adversaire, l’un des leurs a pénétré au cœur du territoire ennemi. Masqué, pourvu d’une cape et d’une épée magiques, Blue Boy trace sa route pour atteindre l’Empereur, semant le désordre et la mort et glanant autant d’informations que possible. Nul ne lui résiste et, parvenu, au but, il trouve encore les ressources nécessaires pour défier la Reine des neiges avant d’être livré, dans une cage, au chef véritable. Reste alors à découvrir pourquoi et comment celui qu’il soupçonnait est devenu l’Ennemi…
Dans ce septième opus de Fables, Bill Willinghan entraîne le lecteur là où il a toujours souhaité aller, dans ce monde caché conquis, asservi et dirigé par l’anonyme Adversaire. Sur les pas d’un personnage qui prend ici beaucoup d’ampleur, les fabuleux royaumes, si souvent évoqués, se dévoilent dans toutes leurs splendeurs et disgrâces. Les mécanismes qui les régissent, les portes qui mènent de l’un à l’autre et les figures emblématiques sorties des folklores nordiques ou slaves, se découvrent. Mais surtout la quête de Blue Boy s’achève, après de nombreuses épreuves, sur la très attendue confrontation avec le meneur des forces averses. Qu’il ait deviné ou non de qui il s’agissait, le public ne peut que se réjouir de voir l’identité de ce manipulateur révélée et ses motivations en partie expliquées. En revanche, ces dernières peinent à convaincre car elles manquent finalement de réalisme ou de grandeur, malgré l’ambition affichée par l’homme de l’ombre. Cette déception qui trouve un écho dans celle due à l’absence de deux protagonistes clés – Blanche-Neige et Bigby – n’enlève cependant que peu à l’ensemble du récit, mené avec talent à la manière d’un conte. L'avant-dernier chapitre de ce volet, propose une courte pause à Fableville où Charmant mène la danse, appuyé par ses seconds. Le prince prétentieux et coureur de jupons y prend une nouvelle dimension, confirmée en fin d’album lorsqu’il apparaît être un maire, certes superficiel, mais impliqué et plutôt retors. Au dessin, Marc Buckingham et David Hahn donnent le meilleur pour cette balade au cœur des terres de légendes. Empruntant entre autres aux illustrations d'Ivan Bilibine, ils restituent bien l’ambiance des contes et des êtres qu’on y rencontre, tout en conservant le trait typique des comics.
S’inscrivant parfaitement dans la série, Royaumes est un épisode savoureux qui apporte quelques réponses, pas toujours surprenantes, et s'emploie ainsi à soulager une attente devenue un peu frustrante. On en redemande.