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T'as pas vu celle que j'cherche ?" Mais qui cherche-t-il Léonard ? Tous les habitants d'une petite ville de la Sarthe se le demandent. A commencer par Frank, un scénariste en mal d'inspiration, puis Karim, régisseur d'un théâtre de quartier ou Ernest, un ancien clown reconverti en luthier. Léo, lui, est amnésique, déambulant dans son propre monde, celui des simples d'esprit. Apprécié des uns pour sa gentillesse, pris en grippe par d'autres qui le traitent de "débile", il est doté d'un curieux pouvoir dont seul Frank semble avoir connaissance. Ce dernier décide alors de partir à la recherche du passé de son ami, de raconter sa vie et d'en faire une histoire extraordinaire.
Les premières pages d'Exauce-nous saisissent, tout d'abord, par leur beauté graphique et leur authenticité. Les ruelles pavées s'illuminent de la clarté des réverbères, l'atelier d'Ernest respire bon le vieux bois des violons, tandis que du bistro du coin parviennent les éternelles conversations de comptoir. Les personnages transpirent la simplicité, les visages s'éclairent ou s'assombrissent au moindre sentiment. Cette histoire est d'abord la leur, celle de gens ordinaires, sans grand destin, sachant savourer une bière entre amis, venir en aide à leur vieux pote plaqué par sa femme ou soutenir le père d'une ex petite amie atteint d'une maladie incurable.
On pense marcher sur les traces d'une nouvelle Amélie Poulain façon bande dessinée, un récit un peu édulcoré, plein de bonnes intentions, avec des gentils (beaucoup), des méchants (point trop n'en faut). Et aussi un héros malgré lui distribuant le bonheur à tout va, une sorte de Père Noël sans barbe, sans costume, mais avec des mitaines, rouges évidemment, et surtout un cœur gros comme ça. Un album sympathique à vue d'œil, mais peut-être pas de quoi s'extasier quelques 100 pages durant. Quoique... Quand on en apprend un peu plus sur Léonard, sur son étrange don, sur le sort de sa famille, un Silence en version moderne avec les même thèmes sur l'origine, l'intolérance, la peur de la différence, mais avec l'esprit de vengeance en moins, on se dit que l'album n'a peut-être pas encore livré tous ses secrets. Plus les pages défilent, plus l'attention se pose. Un bout de polar, une tranche de vie, une part de fantastique... Tout s'entremêle dans une harmonie parfaite.
Exauce-Nous, c'est un peu Noël avant l'heure. Par l'essence même du sujet, bien sûr, qui fait la part belle à des sentiments nobles, un peu oubliés voire carrément obsolètes, comme l'altruisme, la générosité ou le désintéressement. Par le plaisir, ensuite, de retrouver Pierre Makyo dans une telle forme, parvenant à provoquer une alchimie idéale entre questions sociales, surnaturel, religion... et à conserver le juste équilibre d'une histoire cohérente et belle à la fois, sans jamais tomber dans le misérabilisme ou la mièvrerie. Par la beauté de l'objet, enfin, aidé en cela par l'excellent travail de Frédéric Bihel qui parvient à animer chaque lieu, à rendre vivant chaque personnage.
Exauce-nous est de ces douceurs qui se dégustent lentement, afin de mieux les apprécier. C'est seulement une fois en bouche qu'elle dégage toute la palette de ses saveurs, procurant une sensation de bien-être envoûtante, malgré peut-être, un léger manque de piquant.
Les avis
Erik67
Le 20/08/2020 à 20:36:09
En général, j'essaye de m'adapter au trait d'un créateur afin de pouvoir respirer son oeuvre et me délecter de son essence. Quelquefois, je n'y parviens pas et mes notations en témoignent. En l'espèce, la réalisation graphique est somptueuse avec ses tons pastels, fins et légers toujours affranchie du superflu. Graphiquement, le bonheur est à vous couper le souffle. Et dire que je ne connaissais absolument pas le dessinateur. On fait toujours d'excellentes découvertes même après de nombreuses lectures. Le monde de la bande dessinée recèle de talent.
Il est vrai que chaque récit requiert une investigation intellectuelle afin de pouvoir profiter de la richesse d'une oeuvre. Cependant, j'ai compris au fil de toutes mes lectures qu'il est nécessaire pour l'auteur d'établir dès les premières cases une connivence avec le lecteur. S'il n'y parvient pas, c'est fini, voir difficilement rattrapable. Cette bd m'a procuré tout de suite une fascination spontanée car on souhaite tout de suite en savoir plus sur cet homme simple d'esprit et naïf qui balaye la scène d'un théâtre.
Comment ne pas ressentir dans cette lecture une oeuvre magnifique, déchirante et méditative? La trame est remarquable. La narration maîtrise à la fois la gestion du temps et de dialogues ciselés. La plume est originale et délicate. L'auteur, le grand Makyo, nous a gratifié encore une fois d'un scénario efficace. Le trait nous submerge dans une atmosphère presque onirique.
Que dire également de cette mise en couleur remarquable d'inspiration? Cette série qui oscille entre plaisir, émotion et réflexion est magnifiée par une palette de couleurs si puissamment évocatrices. Le plaisir est pluriel quand la qualité d'un scénario rejoint celle du graphisme qui donne toute sa dimension à l'oeuvre quand le trait nous submerge dans une atmosphère étrange.
J'ai souvent livré des sensations intactes, honnêtes et sans concession. J'ai vagabondé dans le vaste monde de la bande dessinée au gré des aventures de tout ces héros. Au travers de mes errances, je suis heureux d'avoir découvert une bd puissante et bouleversante dont l'apparente douceur du propos n'est que le catalyseur d'un déferlement de sentiments.
Il est rare d'éprouver un tel émerveillement dans une production toujours plus abondante dans le paysage du 9ème Art et qui n'est pas forcément synonyme de bonne qualité. Que de plaisir spirituel quand imagination et intelligence sont alliés. Il ne tient qu'à vous de découvrir cette merveille! Exauce-nous est le chef d'oeuvre que j'attendais pour conclure en beauté.
Note Dessin: 4,5/5 – Note Scénario: 4,5/5 – Note Globale: 4,5/5
bibliojfd
Le 02/03/2016 à 19:20:36
Merci à mon Frère José qui m"a fait découvrir cet album. Je n'ai rien à rajouter à l'avis de L.Gianati. UN GRAND album aussi bien texte et dessins.
pitilolo
Le 07/10/2009 à 08:59:05
Simple, Authentique, Emouvant. Ajouter à cela un dessin admirable, une belle couleur et vous aurez la recette de cette superbe BD. Il s'agit avant tout d'un récit alliant avec finesse le réalisme et le conte. La simplicité du thème (l'altruisme, la tolérance, l'amitié, le rêve d'un monde meilleur) en est sa force mais aussi sa faiblesse. Certains pourraient y voir de la mièvrerie au mieux de la bonne intention : "moui c'est gentil ...". Les méchants étant assez caricaturés. L'écueil est selon moi évité par une fin d'histoire plus rapide, en suspens, avec un découpage en flash-back très réussi. Enfin l'émotion prend le relais (sans tomber dans le larmoyant) pour finir sur une très belle note de positivité. Je pense que vous le lirez, oui ... "ça se passe", comprenne qui lira.