Résumé: 1966, les habitants de Saint-Allaire savourent des jours heureux, entre l'église et le Bar des amis, loin de la modernité qui gronde, là-bas, à Paris.Bref, Saint-Allaire goûte à sa douce torpeur.Anna Soulette compte profiter de ses tout juste 18 ans, quoiqu'en pensent son alcoolique de père et son ex-soupirant... tandis qu'Aristide, fils d'un combattant africain resté en métropole après la Seconde guerre mondiale, tente de se fondre dans le paysage. La découverte du magot de son père par la belle Anna va changer la donne. La bêtise des uns, la lâcheté des autres et la concupiscence de tous feront le reste.Une truculente comédie rurale, entre Marcel Pagnol et les Tontons flingueurs, fruit de la rencontre entre le romancier Franck Bouysse et le dessinateur Daniel Casanave.
S
aint-Allaire, 1966. Dans ce petit village comme il en existe des milliers en France, l’été débute sous le soleil. Peut-être que la fête foraine qui est sur le point de s’ouvrir arrivera à sortir le bourg de sa torpeur. Pour Anna, dix-huit ans tout juste, ça sera son premier bal. Enfin, si elle arrive à tromper la surveillance de son père. Un air de liberté souffle, les garçons lui tournent autour et ses allures attirent regards et commentaires. Enfin, il faut bien vivre sa vie. Soyons discrète cependant, ici, les nouvelles circulent vite et les rumeurs encore plus.
Derrière une couverture façon polar au titre clinquant, Été brûlant à Saint-Allaire cache un sympathique et traditionnel récit social «vintage». Une jeune fille en fleurs sème l’émoi dans une localité où tout le monde cache un ou plusieurs cadavres dans son placard (ou sa cave). Les situations et les rôles sont bien distribués, même s’ils ne présentent aucune réelle originalité, tant ils respectent les poncifs du genre. Autour, l’ambiance surannée, voire fantasmée des Trente Glorieuses marque les esprits et les actions. Le grand Charles est à l’Élysée et il ne serait pas surprenant de croiser l’estafette d’Hubert (l’épicier détective de Bruno Heitz) au détour d’un chemin.
Pour ce qui est de l’intrigue, là aussi, peu ou prou de surprises. La fable est connue : étouffant au sein d’un univers aux horizons limités, une héroïne en veut plus et s’apprête à ruer dans les brancards. Heureusement, cette trame classique est racontée avec beaucoup d’humour et d’esprit. La construction narrative faite de scénettes chapitrées et introduites par des récitatifs servant à remplir les ellipses du scénario renforce le côté désuet de l’ouvrage. Frank Bouysse rappelle ainsi sa profession première d’écrivain. Dommage que le procédé brise régulièrement le rythme de lecture en hachant inlassablement la progression dramatique.
Trait direct alliant précision et caricature, couleurs sans chichi et très bien posées, découpage et mise en page allant à l’essentiel, Daniel Casanave et Claire Champion apportent ressenti et vivacité à ce coin de pays. Là aussi, la comparaison avec Bruno Heitz vient immédiatement à l’esprit. En plus d’une époque, c’est tout un «terroir» qui est recréé avec soin et certainement un soupçon de nostalgie.
Tragi-comédie dans les règles de l’art finement écrite, Été brûlant à Saint-Allaire coince un peu au niveau de son déroulement. En dehors de ce petit défaut, il s’agit d’un très agréable album prenant et rafraîchissant.