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Tu es en train de me faire une demande en enregistrement!" Eh bien oui, Paul et Conrad vont convoler en justes noces, puisque le mariage homosexuel est légal en Allemagne. Cependant, leur entourage reste relativement mitigé. La mère de Conrad est au bord de la crise de nerfs, voire de la crise cardiaque, tandis que celle de Paul hurle à la honte familiale et que sa soeur l'accuse de vouloir récupérer l'héritage de mémé Tilla. Et mémé Tilla, dans tout ça ? Pour ne rien arranger, un dealer turc homophobe affirme son droit de propriété sur le derrière de Paul. Ca commence mal...
Et maintenant embrassez-vous est tout autant une BD d'humour qu'une satyre d'une société qui est ouverte à tout, tant qu'il s'agit des autres. Sans être un brulôt homophile, l'album remet quelques pendules à l'heure qui sont les bienvenues, même si on le sent parfois tomber dans des clichés faciles. Mais ce sont probablement ces idées-reçues (l'homo très raffiné amateur de vins et de musique classique, le gay adepte des back-rooms...) qui permettent de rester dans un registre léger et de se protéger d'un ton qui pourrait être perçu comme trop militant. Le dessin, stylé Brétécher, ajoute un degré de distance, en faisant passer tous les sentiments par les yeux globuleux et les bouches promptes au rictus. Les divers personnages, stéréotypes que chacun retrouvera dans son entourage, permettent au scénario d'interpeller le lecteur en se plaçant dans le registre de sa vie quotidienne, de sa famille, et finalement, ou en tout cas on l'espère, de le faire réfléchir un peu aux tenants et aux aboutissants de ce sujet de société qu'est le mariage homosexuel.
Un mélange bien dosé d'humour et de revendications, un graphisme maîtrisé, on a là les ingrédients d'un bon "album d'actualité", et ce sont des adjectifs que l'on peut tout à fait accoler à Et maintenant embrassez-vous : bon, et d'actualité. Après le prix du scénario à Angoulême remporté grâce à Comme des lapins, Ralf König nous rassure sur un point : les récompenses d'envergure internationale ne font pas perdre leur talent à ceux qui les reçoivent. Ouf !