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eporter américain, Ernie Pike couvre la Seconde Guerre mondiale en parcourant de nombreux sites, du Pacifique à l’Europe, en passant par l’Afrique du Nord et l’Atlantique. Il ne se contente pas de raconter les combats vus du côté des alliés, mais rapporte aussi les témoignages des prisonniers ennemis, sans jamais se prononcer en faveur d'un camp ou de l’autre.
Un an après le tome 1, Casterman publie la suite de ces récits initialement sortis entre 1957 et 1962, et conjointement écrits par Hugo Pratt et Hector Oesterheld. S’il n’est plus besoin de présenter le premier, le second est par contre moins connu des lecteurs de bandes dessinées. Il est né en 1917 en Argentine et a débuté comme scénariste dans les années 50. Il travaillera pour plusieurs revues dans son pays et collaborera entre autres à la rédaction de la biographie de Che Guevara. Les deux hommes se rencontreront à Buenos Aires et donneront naissance aux récits d’Ernie Pike, sous la forme de 34 épisodes. L’Argentin disparaîtra mystérieusement en 1977, sans doute exécuté par la Junte. A noter que leur reporter est librement inspiré d’Ernie Pyle, correspondant de guerre mort en 1945, et qu’il prend les traits de Oesterheld lui-même.
Les nouvelles, courtes et allant droit au but, révèlent une parfaite maîtrise du récit d’aventure. Les auteurs ne se contentent pas de relater des hauts faits militaires, mais se forcent plutôt à raconter le quotidien des combats, en faisant rencontrer à Pike des acteurs anonymes, allant du simple soldat américain au prisonnier de guerre japonais. Ils dénoncent également la cruauté des événements et soulignent l’entraide qui a existé entre les hommes au combat. Enfin, contrairement à la plupart des récits, cinématographiques ou littéraires, traitant cette période, ils metttent en scène de nombreuses femmes, qui influent grandement sur le déroulement des événements. Ernie Pike présente toujours la situation en voix-off, et s’il apparaît occasionnellement, il s’efface toujours devant les hommes et les femmes dont il raconte l’histoire, ce qui donne aux récits un côté très réaliste.
Ces Chroniques de guerre peuvent être considérées comme un classique d’Hugo Pratt. On y trouve déjà son dessin qui fera de lui un des maîtres de l’aquarelle. Ces rééditions sont superbement mises en couleurs par Patricia Zanotti, qui était déjà intervenue sur Corto Maltese et Fort Wheeling du vivant de l’auteur. Ces récits sous forme d’anecdotes, à l’humanisme prononcé, régaleront l'amateur, qui souhaitera certainement que l’éditeur ne s’arrête pas en chemin et publie la fin des témoignages d’Ernie Pike.