Résumé: À l’occasion du mariage de son collègue René Toxa, de la PJ de Marseille, le commissaire parisien Louis-Armand Raffini a pris 15 jours de vacances à Cogounan, à côté de Cassis. Après s’être relooké dans les boutiques locales, il s’imprègne de la quiétude des lieux et apprécie d’autant plus le rythme provençal que les filles y sont jolies. Le soir du mariage, il sympathise même avec Mireille, une pétillante jeune femme hélas promise à un chanteur qui se prend pour Dario Moreno. Le courant passe néanmoins entre ces deux là. Quelques jours plus tard, Mireille dérange Raffini en pleine partie de pèche : elle n’a plus revu son Dario depuis le mariage. Elle a reçu une carte postale de lui, envoyée de Rio de Janeiro, dans laquelle il la rassure vaguement et lui demande de remettre « le paquet qu’il lui a confié » à son ami Dédé. Mireille s’inquiète et relate aussi à Raffini son agression la veille au soir par une sorte de mafieux, qui voulait lui aussi récupérer « le paquet ». Oui, mais quel paquet ? Pour Raffini, c’est plus que louche. Une visite à l’appartement dévasté de Dario confirme que des truands cherchent quelque chose de précis…
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n ce début d'été 1956, le commissaire Raffini espère bien se la couler douce. Invité au mariage d'un ancien collègue marseillais, il s'est octroyé quinze jours de vacances à Cogounan, un petit port non loin de Cassis. L'ambiance est au farniente (pêche, pétanque, pastis...), le soleil brille, l'atmosphère est détendue, et Mireille, une jeune femme rencontrée au mariage, a bien du charme, si elle ne semble pas avoir froid aux yeux. Dommage qu'elle ait déjà, aussi, un petit ami : Claude, dit "Dario", sosie de Moreno et également pousseur de chansonnette à ses heures. Jusqu'à ce que Mireille reparaisse pour demander de l'aide au vieux policier, car Dario a brusquement disparu, et un mystérieux "Dédé" a fait son apparition pour réclamer à la jeune femme un paquet que son compagnon lui aurait confié...
Après cinq ans d'absence et de nouvelles tribulations éditoriales dont la série est, malheureusement, coutumière, c'est sous la bannière des éditions Desinge & Hugo & Cie (non sans détonner dans un catalogue généralement plus axé, en matière de BD, sur le créneau humoristique tendance sportive : Droit au but, Sam Speed, Allez les Barbares !, Il faut shooter Domenech...) que le commissaire Raffini reprend du service pour une enquête ensoleillée qui viendra réchauffer les lecteurs de ce début de l'année. Le trait et les couleurs du trop rare Christian Maucler n'y seront sans doute pas étrangers. Les personnages sont animés de façon truculente, les décors travaillés de splendide manière, et le dessinateur fait preuve d'un sens de la lumière absolument magistral, qui est pour beaucoup dans la réussite de cet album. Qu'il s'agisse de calanques - décor propice à la décontraction comme aux course-poursuites nerveuses -, de terrasses de village ou d'intérieurs d'appartements, Maucler a l'art de faire tenir ensemble le goût de la représentation détaillée et le sens de l'ambiance générale. Sans l'imaginer abandonner les aventures de Raffini, il serait sans doute souhaitable de le voir officier aussi sur d'autres titres qui lui permettraient de faire connaître et reconnaître son très grand talent par un plus large public.
Côté scénario, les choses sont moins exceptionnelles, mais solidement réalisées. L'intrigue policière est d'un classicisme à toute épreuve. Certes bien menée, elle souffre néanmoins d'un caractère par trop conventionnel. Il faut bien le dire, ce manque d'originalité constitue sans doute la limite de l'album : une fois la machine lancée, rien ne viendra vraiment surprendre le lecteur de ce côté-là. Toutefois, il convient de souligner également que, sur cette base assez commune, Rodolphe développe d'autres aspects plus remarquables. La reconstitution de la vie d'un village provençal des années 50 est crédible, l'atmosphère est à la fois plaisante et prenante, et les personnages sont attachants, en particulier le duo formé par Raffini et Mireille. Plus que les rebondissement un peu trop prévisibles de l'enquête sur un trafic de drogue, ce sont surtout les scènes entre les deux personnages et l'évolution de leurs relations qui retiennent l'intérêt : la balade sur le port et la discussion au restaurant, tout en vrais-faux sous-entendus complices, au moins autant, sinon davantage, que l'expédition nocturne à laquelle elle prélude, par exemple.
Un peu plus d'audace et de singularité dans la construction de l'intrigue principale n'aurait sans doute pas nui à ce titre, mais, telle quelle, l'œuvre dégage une impression d'artisanat non seulement probe et efficace, mais inspiré et plein de charme. Les ambiances développées par Rodolphe et le dessin admirable de Christian Maucler appellent un succès qui serait amplement mérité, plutôt qu'une énième recherche d'éditeur pour continuer leur série commune.