C
orse, début du XXIe siècle. Croyances, superstitions, crime organisé et histoires de famille, c’est le coquetel potentiellement explosif avec lequel les forces de l’ordre doivent s’accommoder au quotidien. Sans compter que, comme les insulaires sont tous parents à un niveau ou un autre et que les nouvelles traversent le maquis plus rapidement qu’avec la fibre optique, la tâche des valeureux pandores n’est pas toujours une partie de plaisir. C’est dans ce décor qu’opère la lieutenant Louise Beauvoir : faire régner l’ordre, débusquer les coupables, tout en s’occupant d’une fille adolescente. Bah, c’est bientôt les vacances, elle pourra un peu décompresser.
Polar contemporain façon série télévisuelle du service public (pensez à Meurtres à …), Disparition en Corse met en scène une héroïne d’aujourd’hui. Une fine limière, digne des meilleurs détectives du répertoire, qui se mesure tant aux truands qu’aux remarques fielleuses de ses collègues masculins. Elle ne lâche jamais l’affaire et tient ses promesses (un conseil, ne rien promettre aux proches des victimes, ça pourrait venir vous hanter). Évidemment, sa vie privée paye le prix de sa pugnacité professionnelle et les relations avec sa fille en souffrent. Ajoutez une intrigue policière assaisonnée à la corse et vous obtenez un ouvrage des plus classiques, voire convenu, malheureusement. Non pas que le scénario soit faible ou mal goupillé : il y a crime, suspens, foule de suspects et résolution. Simplement, Jacques Bastier et Bruno Lecigne se sont contentés d’appliquer à la lettre la recette d’un genre tellement balisé que la lecture ne provoque que bien peu de surprise ou d’étonnement.
Toni Cittadini illustre cette enquête avec autorité (superbe mise en scène très tonique) et professionnalisme. Son trait, visiblement influencé par Milo Manara, se montre efficace et ses personnages, les regards tout particulièrement, imposent leur présence. Le seul regret est à voir du côté du cadre géographique. En effet, l’Île de Beauté est à peu près méconnaissable. Découpage serré, uniquement centré sur l’action et la mise en couleurs générique, presque fade, ne rendent absolument pas honneur aux paysages corses. Il en ressort une ambiance assez générique qui vient s’ajouter à une histoire qui ne l’est pas moins.
Énième tome d’une collection à succès d’un enquêteur star, téléfilm régional ? Non, ça sera un album de BD. Sans démériter sur le fond ou la forme, Disparition en Corse est un récit lambda, ni désagréable, ni réellement prenant. En résumé, un tout petit polar bien jalonné et (trop) respectueux des codes, rien de plus, rien de moins.