Résumé: L'héritier du procès de Nuremberg.
Adolf Eichmann est l'un des grands architectes de la « solution finale » mise en place par le IIIe Reich. Après la guerre, celui qui a mis tant d'acharnement à organiser et optimiser l'annihilation des juifs parvient à s'exiler en Amérique du Sud où des agents du Mossad le capturent en 1960. Son procès à Jérusalem, l'année suivante, est un événement historique : pour la première fois, les juifs vont eux-mêmes juger officiellement un de leurs bourreaux. Le monde entier a le regard braqué vers la capitale israélienne et les caméras filment l'ensemble de la procédure, du jamais vu. Au cours d'un procès qui dure huit mois, le récit technique de l'industrialisation de la solution finale et les documents d'archives sont présentés, disséqués, commentés. Cent onze rescapés de la Shoah sont appelés à comparaître, chacun d'eux bouleversant l'auditoire. Ce procès judiciaire d'une forte ampleur médiatique et historique - mais également politique - s'enrichit de débats intellectuels, comme le travail d'Hanna Harendt sur la « banalité du mal ». Dans ces mois difficiles, une leçon d'humanité doit passer.
Passera-t-elle par une condamnation à mort d'Adolf Eichmann ? L'exécution de celui qui s'est employé à organiser l'extermination de 6 millions d'êtres humains a-t-elle un sens ? Jeanne Amelot, Shimon Abécassis et Hannah Arendt, tous trois présents en tant que journalistes pendant les audiences, s'interrogent.
Nouvelle bande dessinée des auteurs de L'Abolition, L'Enfer est vide, tous les démons sont ici en est le prolongement thématique. La réflexion sur la peine de mort se poursuit et s'insère dans un nouveau cadre historique propice au débat et à la discussion en posant la question des limites. Y a-t-il une exception à l'abolition de la peine de mort pour une société s'il s'agit du pire de ses bourreaux ?
A
près sa capture rocambolesque en Argentine, Adolf Eichmann va être jugé en Israël. Pour l'Etat Hébreu, ce procès est un acte fondamental. Il est conscient que les yeux du monde entier sont braqués sur lui. Événement historique et médiatique, c'est aussi l'occasion de dresser le bilan de la Shoah, de l'incarner à travers le défilé de dizaines de rescapés, qui traînent dans leur sillage les ombres de six millions de victimes.
Dans un premier temps, il se dégage un sentiment de déjà-vu dans cette bande dessinée. Une dénonciation de plus de l'innommable, aussi documentée et rigoureuse soit-elle pourrait sembler redondante. Ceux qui n'ont pas encore compris la leçon ne vont pas modifier leur point de vue après une nouvelle variation sur le même thème. Les autres sont déjà conscients de l'horreur et ils n'apprendront pas grand-chose de plus de cette évocation. C'est en tout cas l'impression qui se dégage dans la première partie. Le récit est respectueux, suivant un fil narratif somme tout fragile, entre fidélité aux fait et fictionalisation par l'introduction de personnages imaginaires qui ne servent qu'à un rôle de révélateurs des antagonismes.
Le véritable sujet est alors révélé. Que faire de ce bourreau ? La peine de mort semble être la seule sentence envisageable. Mais elle est prohibée dans le Judaïsme. Prendre la vie d'autrui est une prérogative uniquement divine. Une Cour qui l'appliquerait serait un lieu de barbarie. Ce dilemme moral offre aux auteurs un angle original et inédit, alors que certains veulent rouvrir le débat en France, remettant en cause l'abolition de la peine capitale. Involontairement, L'enfer est vide, tous les démons sont ici fait tristement écho à la société contemporaine. Et force est de constater que les arguments de ceux qui refusaient l'exécution d'Eichmann restent tout à fait pertinents.
Les avis
Erik67
Le 16/03/2022 à 07:28:07
Le sujet est sérieux puisqu'il s'agit du procès du célèbre nazi Adolf Eichmann qui a été enlevé en Argentine par les agents du MOSSAD pour être jugé devant une cour de justice en Israël sous la direction de David Ben Gourion alors premier Ministre. C'était un geste politique fort pour ce jeune état en quête d'unification par rapport à la mémoire commune de l'horreur absolue.
La délicate question qui divise est : fallait-il nécessairement appliquer la peine de mort dans une telle configuration face à un monstre qui joue le fonctionnaire zélé dans le genre « j'ai tué des millions de juifs car c'était mon boulot de fonctionnaire d'obéir aveuglément ». C'est là où on pourrait avoir des envies de meurtres.
En France, en droit pénal, nous avons ce qu'on appelle la théorie des baïonnettes intelligentes qui permet à un fonctionnaire de ne pas appliquer un crime lorsqu'il est gentiment demandé par le hiérarchique. Il y a des moments où il faut savoir dire « non » surtout dans des cas aussi extrême.
Par ailleurs, on apprendra que l'état d'Israël n'a plus jamais appliqué la peine de mort après l'exécution d'Eichmann. L'abolition de la peine de mort est un absolu qui ne souffre d'aucune exception.
Cette BD est d'une rare intelligence sur un sujet qui divise encore la société israélienne. A noter que j'ai beaucoup aimé ce qu'avait écrit Primo Levi à ce moment là. Ce n'est point du pardon mais de l'humanité dans un monde qui en manque cruellement.